Cheval océan

Avozinha disait qu'ici, sur ce coin de côte déchiqueté, l'Océan était pareil à un cheval lancé au galop. L'échine blanche de sel.

Tu l’entends? Tu entends ce souffle? c’est un souffle qui emplit la nuit. C’est comme si un animal se tenait tout là-bas, là où on ne peut pas le voir.

Tu l’entends. Tu l’entends sans doute. Peut-être même que tu frissonnes. Mais il n’y a aucune raison d’avoir peur de lui. Ce cheval, il me connaît. Mon sang, son sang, c’est le même liquide brûlant. Nous avons dans le ventre le même feu. Le même appétit.

Je l’entends. Je l’entends même si je ne le vois pas. ce cheval, il s’appelle Océan.

Les mouettes ne rient pas. C'est leur chant qui sonne à nos oreilles comme des rires méprisants. Les mouettes ne rient pas. Elles n'ont pas la méchanceté des hommes.

Naïma collectionnait les citation. Elle avait ce don là. retenir les mots qui avaient été prononcés par des hommes qu'elle ne connaissait pas et les répéter très exactement.

Jour après jour, année après année, on avait accroché les fleurs de nos rires sur les façades pour les rendre moins tristes.

Avec mon stylo, je ferai jaillir des oasis dans le désert du cœur des hommes.

Les mots, c'est ce qui prouve que des gens avant nous ont existé. Sans les mots, on n'est que des fantômes.

La suite je n'ai pas besoin de la dire.
Il faudrait que je la hurle. Je hurlerais si fort que j'arrêterais la course du Cheval Océan. Je figerais les flots plus sûrement que la glace. La suite est une tempête qui est venue dévaster mon corps et mon âme.

Un jour, j'ai demandé à Naïma pourquoi elle retenait tout ça. Pourquoi elle s'encombrait la tête de tous les mots prononcés par des gens qu'elle ne connaissait pas ? Naïma a souri et elle m'a répondu : Parce que ça me fait du bien de savoir que quelqu'un a déjà marché sur le chemin sur lequel je marche.