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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La prostituée Tequila Leila est retrouvée assassinée, son corps jeté dans une poubelle d'Istanbul. Comment cette femme a-t-elle pu finir si tragiquement sur les trottoirs de la ville ? Pendant les dix minutes qui suivent sa mort, soit le laps de temps pendant lequel des scientifiques ont constaté que l'activité cérébrale d'une personne décédée pouvait perdurer, Leila se remémore son parcours, depuis l'Anatolie jusqu'aux bas quartiers stambouliotes, là où après avoir rompu avec sa famille, elle a fini, dans son malheur, par trouver la solidarité et l'indéfectible amitié d'autres parias. Ils sont cinq : cinq amis qui vont tout faire pour lui éviter l'ultime infamie, celle du Cimetière des Abandonnés, à Kylios.


Une triste photographie figure à la fin du roman : un champ de mauvaise terre caillouteuse, boursouflé de vagues renflements agglutinés dans le plus grand désordre et piquetés de grossières étiquettes simplement numérotées. C'est dans cet équivalent très sommaire de nos carrés des indigents en France, que sont entassés après leur mort les indésirables de la société d'Istanbul, rejetés par leurs familles elles-mêmes. S'y côtoient misérables et marginaux, prostituées et travestis, délinquants et criminels, révolutionnaires « morts » en garde à vue, insurgés kurdes, bébés abandonnés… : tous mis au rebut à l'issue d'une existence de réprouvés. Cette histoire, fictive mais représentative, retrace le parcours de l'une de ces personnes abandonnées, prostituée tuée dans l'indifférence générale et simplement transférée, sans enquête judiciaire, de la poubelle où elle a été jetée à cet officiel terrain vague qui tient plus du dépotoir que du cimetière.


Leila n'est autre qu'une fille ordinaire, grandie dans une famille ordinaire, en Anatolie. Née en 1947, elle vit sous l'autorité d'un père pris d'une austère ferveur religieuse. Victime injustement sacrifiée à l'honneur familial, elle quitte la maison sans espoir de retour. Désormais proie facile puisqu'une femme seule osant prétendre à l'indépendance est déjà considérée « perdue » dans les années soixante en Turquie, sans ressources ni protection, elle rejoint bientôt la frange la plus méprisée de la société, que ni personne, ni la police, ne protégeront jamais des maltraitances, ni même des crimes.


L'histoire elle-même serre le coeur, pourtant aucune tristesse, aucun pathos, ne viennent charger une narration alerte, imprégnée de la chaleur humaine que partagent Leila et ses amis, déchus eux aussi. Après le frappant défilement d'une vie pendant le bref moment séparant l'arrêt cardiaque et la mort cérébrale, le récit se poursuit en compagnie des cinq amis de Leila, dans une folle équipée aussi hilarante dans ses macabres rebondissements que touchante dans sa fidélité à la disparue. Impossible de ne pas se prendre d'affection pour ces cinq autres personnages, - en tête desquels l'inénarrable trans Nalan -, désarmants de vulnérabilité, de sincérité et de dignité dans leur infrangible solidarité de pestiférés.


Exilée en Angleterre après avoir fait les frais en Turquie de sa libre expression littéraire, Elif Shafak continue de dénoncer l'hypocrisie d'une société turque qui n'en finit plus de renforcer sa violence autoritariste. Les femmes en sont les premières victimes, puisque, face aux rigueurs religieuses croissantes, beaucoup d'entre elles se retrouvent plus que jamais marginalisées et vilipendées lorsqu'elles prétendent à leur indépendance. Lucide, mais non dépourvu de drôlerie malgré la gravité de son sujet, ce livre qui se lit d'un trait exprime autant de révolte que d'attachement à une Istanbul que l'on découvre sous un jour sans fard. Nouveau coup de coeur pour cet auteur qui fait partie de mes favoris.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Avant de vous parler de ce livre, je dois vous faire un aveu : je ne m'étais jamais plongée dans la littérature turque. Je n'étais même pas capable de vous citer un auteur en particulier, je n'avais jamais parcouru de bouquins quel que soit son genre : policier, roman,… Honte sur moi!

C'est l'une des raisons qui fait que j'aime tant participer à des jurys littéraires. Oui, les lectures nous sont imposées. Et parfois, c'est vrai que cela semble rude, du fait que les livres peuvent être si éloignés de ceux qu'on lit habituellement. Par contre, parfois, c'est la surprise et encore mieux la très bonne surprise ! Et voilà c'est le cas pour moi avec ce livre « 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange ».

Quel bonheur de faire une si belle découverte avec ce roman si sensible, touchant et poignant. Il sera définitivement l'un de mes coups de coeur de l'aventure du Grand Prix des Lectrices Elle. Même une fois terminé, il me hantera encore longtemps !

Plusieurs de mes copines collègues du jury du mois de mars connaissaient déjà l'auteure, Elif Shafak et étaient ravies d'avoir dans notre sélection « Roman » sa nouvelle oeuvre. Pour ma part, je n'ai pas osé le leur dire mais je ne la connaissais absolument pas. Par contre, une fois parcouru la quatrième de couverture de ce livre, elle a su titiller ma curiosité par son côté assez énigmatique mais aussi distiller l'envie de le lire.

Leila, prostituée à Istanbul, est tuée et son corps est balancé dans une benne à ordures. Alors que son coeur s'est arrêté, son esprit et son âme vivront encore durant 10 minutes et 38 secondes. Cela sera le temps mais aussi la dernière occasion de revenir sur quelques moments qui ont émaillé la vie de Leila, de comprendre ce qui l'a amenée là et finalement, de faire un petit bout de chemin en sa compagnie.

Selon moi, c'est un livre qui peut plaire à de nombreux lecteurs du fait qu'il s'apparente à divers genres littéraires. Pour les amateurs de polars, il peut se lire comme une enquête menée pour découvrir qui est l'assassin de Leila. Pour les fans de voyages, c'est l'occasion de se rendre en Turquie et surtout à Istanbul, ville à cheval sur l'Occident et l'Orient. Pour les historiens, ils ne seront pas laissés pour compte puisqu'il fera découvrir ou redécouvrir des événements réels et forts du 20ème siècle.

Ode aux femmes, à l'amitié mais aussi aux personnes laissées pour compte, le style d'écriture de l'auteure est élégant et le travail de traduction a été merveilleusement accompli rendant la lecture aisée et attrayante.

Il est très difficile de ne pas s'attacher au personnage de Leila, souvent maltraitée par la vie mais pourtant dotée d'une très grande force d'esprit et d'une obstination à toute épreuve. Il en est de même pour sa bande d'amis, personnages secondaires et pourtant, ô combien importants.

Vous l'aurez compris, c'est mon petit coup de coeur du mois. Je n'ai pas trouvé de points négatifs à relever, son héroïne Leila restant gravée longtemps en moi.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2020, sélection « Roman », pour le jury du mois de mars.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Il y a longtemps que je veux lire Elif Shafak et découvrir un de ses romans alors j'ai sauté sur l'occasion avec la publication de son dernier roman 10 Minutes 38 Seconds in this Strange World. Il faut dire que le résumé est vraiment intriguant !

Leila vient de mourir et dans la première partie du roman, nous suivons les dix minutes qui suivent sa mort. Pendant 10 minutes, sa vie va défiler et elle va nous raconter ses souvenirs : son enfance, son arrivée à Istanbul, sa vie au bordel en tant que prostituée, sa rencontre avec ses amis…. Dans la seconde partie, on suit les gens qui ont connu Leila et qui se confie. C'est un beau portrait de femme que signe ici l'auteure.

Tous les personnages sont attachants : Leila bien sûr mais aussi tous les personnages qui gravitent autour d'elle. Leila est une jeune femme forte, naïve parfois mais tellement drôle et audacieuse. Elle m‘a fait sourire très souvent et je l'entends encore dire « Darling ». Son histoire est aussi parfois très touchante, notamment son enfance ou certains passages peuvent être difficiles.

Le contexte historique est très bien dépeint en arrière-plan de l'intrigue : en Turquie où j'ai appris beaucoup mais aussi le contexte international où l'on assiste à l'assassinat de Kennedy ou encore la lutte de Martin Luther King via Leila et les journaux d'époque qu'elle lit.

C'est aussi une autre vision de la Turquie. Quand je pense à ce pays, je suis très loin d'imaginer les bordels, les transsexuels… On sent une société bien complexe, où tradition et modernité s'opposent, Europe et Orient, Islamique et Athée.

Enfin je suis conquise par la très belle plume de l'auteure et la construction de ce roman qui comprends récit dans le récit et qui fonctionne à merveille. Cela m'a rappelé parfois les contes des 1001 nuits. Je lirai sans hésiter d'autres romans d'Elif Shafak car j'ai passé un excellent moment avec celui-ci.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Le corps d'une femme est découvert dans une benne à ordures; le cadavre est celui de Leïla Tequila, prostituée, brutalement assassinée dans une rue d'Istanbul.
10 minutes et 38 secondes, c'est le temps pendant lequel son esprit va continuer à fonctionner après sa mortbiologique, le temps pour elle de partager quelques souvenirs émouvants et nous raconter son histoire de 1947 à 1990: l'histoire de Leila, jeune femme d'une bonne famille originaire d'Anatolie, devenue prostituée en quittant les siens et arrivant sur les rives du Bosphore.
Dans ce 11ème roman, Elif Shafak, réussit brillamment à nous faire partager le parcours de Leila, sa vie et sa mort tragique, comme dans un conte.
En toile de fond, elle évoque l'histoire de sa Turquie d'origine (l'inauguration en 1973 du pont sur le Bosphore, reliant l'Europe au continent asiatique, ou aussi la répression sanglante d'une manifestation de 1977...).
Elle traite également de thèmes variés qui lui tiennent à coeur (la place de la femme dans la société turque, la place de la famille et des amis, l'égalité entre tous, l'homosexualité, la libération sexuelle dans les années 70, la transformation du pays, la montée de l'islam et la fragilité de la laïcité ...).
On sent que l'auteure aime Istanbul, cette ville incroyable, qu'elle arrive à rendre si réelle, vivante et attachante. La mégalopole ottomane est ici, un personnage à part entière.
A travers les personnages de Leila et ses cinq amis, tels des exclus de la société stambouliote, Shafak nous immerge dans cette cité tentaculaire, au carrefour de l'Orient et l'Occident.
On s'attache à ces personnages, "indésirables", pourtant bien "vivants"grâce à leur magnifique amitié pour la défunte Leila.
J'ai apprécié ce roman, profondément humain, cruel et tendre à la fois.
Une histoire d'amour et d'amitiés, dont on ne sort pas indemne.
Une fois de plus, Shafak réussit à peindre un beau portrait de ces laissés pour compte, relégués aux marges de la société stambouliote.
Pour ne rien gâcher, une magnifique couverture, clin d'oeil aux faïences d'Iznik (pour les connaisseurs).
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Deuxième lecture pour moi de cette auteure et deuxième réussite. Elif Shafak s'intéresse à des thèmes qui me tiennent à coeur : destins de femme, sort des laissés-pour-compte, aperçu de la grande histoire à travers celle de ses personnages.

Ici, elle nous retrace la vie de Leila qui est découverte assassinée au début du roman. J'ai été très touchée par Leila qui a connu des événements profondément injustes, et par le parcours qui a été le sien. Cette jeune fille devenue prostituée et reniée par sa famille va se forger sa propre famille avec cinq amis de coeur. Elle a une force de caractère incroyable et une gentillesse immense, toujours prête à aider son prochain, malgré les vicissitudes de la vie.

Elif Shafak rend ici un bel hommage à l'amitié, celle sans laquelle nous ne sommes rien.

Mais l'auteure dénonce également dans son roman : elle dénonce la structure de certaines familles (plusieurs femmes), les secrets profondément enfouis, le désir de garder une certaine harmonie au sein de la famille ce qui signifie ici cacher un fait grave. J'ai été bouleversée par Leila qui a eu le courage de dire à ses parents ce qui lui est arrivé mais propos dont on n'a pas tenu compte.
Elif Shafak dénonce également le massacre de 1977, les mauvais traitements subis par les prostitués et les travestis, la religion poussée à l'extrême.

Les personnages haut en couleurs étaient très attachants et c'est finalement un réconfort de se dire que Leila avait su bien s'entourer et remplir sa vie de petites joies. Je dois avouer avoir lu certains passages en riant, malgré la gravité du sujet.

J'ai été étonné de découvrir l'existence de ce cimetière des Abandonnés de Kilyos, près d'Istanbul. Quelle tristesse....
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L'esprit humain reste-t-il quelques minutes à travailler et à réfléchir sur sa vie qui s'est écoulée après que son coeur s'est arrêté de battre ?
« 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange » est un roman humain, beau et triste, qui touche à des tabous fermés dans un État islamique laïc. Laila, avait 6 ans et son oncle en avait 43 lorsqu'il l'a violée, et il a répété cet acte odieux à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte de lui. Ses parents ne tenaient pas l'oncle pour responsable de ce qu'il avait fait, c'était plutôt elle qui péchait, la criminelle et la déchue, à leur avis.
Laila s'est enfuie de l'environnement de sa famille pour respirer la vie loin de l'injustice. Mais elle est tombée entre les mains d'un réseau de prostitution, et elle a exercé le seul métier dont elle pouvait vivre. Elle a appris à connaître des femmes de son environnement.
Elif Shafak comme elle l'a toujours souligné, donne la parole aux outsiders, à ceux auxquels personne ne fait généralement attention, les gens dont on veut détourner le regard. Leila et ses cinq amis appartiennent à cette catégorie : elle est une prostituée, Nostalgia Nalan (une transgenre), Zaynab122 (une petite personne que les gens voient comme une bizarrerie), Sabotage Sinan (son meilleur ami d'enfance qui la garde secrète de sa famille), Humerya (une ancienne chanteuse de boîtes de nuit) et Jameelah (victime de trafic d'êtres humains depuis la Somalie).

C'est Un roman sur :
- la mort, l'amitié, le viol et l'inceste.
- L'extrémisme religieux
- Les prostituées, le transgenre et le point de vue de la société sur leur droit.
- le Trafic sexuel de filles et de femmes après les avoir promises sous l'illusion de les faire travailler comme domestiques.
- le sort qui attend les femmes accusées d'actes immoraux.
- Les grandes villes et les actions inhumaines et immorales qui s'y déroulent sous le nez de la loi.
- le Mépris des femmes et oppression des filles et des femmes
Même l'inhumation dans les cimetières diffère d'une personne à l'autre : les prostituées, les transgenres, les suicidés, etc. morts, les parias, les criminels, les petits et les inconnus y sont enterrés. Étrangers et maudits dans le monde et dans le cimetière.
C'est encore un livre qui renforce la compréhension des gens, de leurs décisions, de leur vie et de leurs comportements.
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Elif Shafak est une auteure turque dont j'affectionne tout particulièrement les romans. Elle part ici de l'hypothèse que pendant 10 minutes et 38 secondes après la mort notre esprit fonctionne encore.

C'est ce qui arrive à son héroïne, Tequila Leila, dont le corps gît au fond d'une benne à ordures où son assassin vient de la jeter.

Leila revoit son enfance en Anatolie, sa fuite à Istanbul, son travail dans un bordel et surtout ses amies qui, comme elle, sont de grandes blessées de la vie.

Elif Shafak donne la parole à ceux que la bonne société rejette jusque dans la mort : « Ce n'était pas juste de reléguer Leila au cimetière des Abandonnés alors qu'elle n'était pas abandonnée du tout. Leila avait des amis. Les amis de toute une vie, loyaux, aimants. Elle ne possédait peut-être pas grand chose d'autre, mais des amis, si, sans l'ombre d'un doute. »

La société turque est dépeinte de façon très réaliste et sans complaisance, comme toujours dans les romans de cette auteure.

La ville d'Istanbul y est également un personnage à part entière : « Istanbul était une ville liquide. Rien ici de permanent. Rien qui semble établi. Tout avait dû commencer des milliers d'années auparavant, quand les lames de glace fondirent, que les eaux montèrent, et que toutes les formes de vie connues furent détruites. Les pessimistes avaient été les premiers à fuir les lieux, sans doute ; et les optimistes à choisir d'attendre pour voir comment les choses allaient tourner.(…) Quand les déluges commencèrent, les eaux jaillirent de toutes parts, noyant tout sur leur passage -animaux, plantes, humains. Ainsi furent formés la mer Noire, la Corne d'Or, le Bosphore, la mer de Marmara. Tandis que les flots se répandaient, ensemble ils créèrent un îlot de terre sèche, sur lequel serait un jour construite une puissante métropole. »

Un excellent roman à découvrir !
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Comment une personne qui a construit des amitiés magnifiques toute sa vie peut-elle être enterrée ainsi ? Et c'est son adresse pour l'éternité ? Ce n'est pas juste. Rien n'est juste dans ce roman qui crie la rage d'être une femme en Turquie. Surtout avant 1990. Ici, la violence faite aux femmes est prégnante. Ce roman est un combat, une mise au point qui donne la parole aux parias d'Istanbul. Ces 10 minutes et 38 secondes est le temps nécessaire où la vie égale enfin la mort, où l'une enlace doucement l'autre, et même si ce passage est fragile, il défie toute douleur et toute injustice. C'est juste un moment de tendresse intense.
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Ce livre est le premier que j'ai acheté après le confinement serré de mars 2020. J'avais une grosse envie de lecture et d'ailleurs, et même si je ne l'ai lu que bien des mois plus tard, « 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange » a parfaitement rempli sa mission.
Saviez-vous que durant plusieurs minutes après l'arrêt du coeur, le cerveau continue de fonctionner ? A partir de cette observation, Elif Shafak a imaginé ce qui a bien pu traverser l'esprit de Leila, prostituée stambouliote assassinée. du fin fond de la poubelle où son corps git, nous suivons donc les dernières pensées de cette femme turque pas franchement gâtée par la vie, et par la même occasion découvrons aussi la condition féminine dans la Turquie du milieu du XXème siècle. Pas de surprise, ce n'est pas bien brillant, à commencer par son enfance dans une famille aimante mais étouffante, gangrénée par ses secrets et ses traditions. Leila s'enfuit à Istanbul pour y échapper, mais tombe sur encore pire…
J'ai adoré la construction du livre, où les 10 minutes et dernières 38 secondes de Leila sont égrainées au rythme des chapitres, nous faisant ainsi découvrir au fur et à mesure sa vie. L'écriture d'Elif Shafak est belle et décrit presque amoureusement la ville d'Istanbul, que ce soit ses beaux quartiers ou bien ses bas-fonds. Cela prend d'autant plus de valeur quand on sait que l'auteure vit exilée en Angleterre, fuyant la politique actuelle de son pays d'origine.
Bref, une super découverte.
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Elle est en train de mourir, physiquement, mais son esprit vagabonde toujours dans les méandres de son passé. Pendant 10 minutes et 38 secondes, Leila revit les moments clé de son existence. Ses flashbacks se déclenchent par le souvenir d'une odeur, d'une ísaveur. Et c'est ainsi que nous allons découvrir qui fut cette femme, prostituée, maintenant au fond d'un container, au bout de sa vie.
« Leila commençait à comprendre que les sentiments de tendresse doivent toujours rester cachés, qu'ils ne peuvent être révélés que derrière une porte close et ne jamais être évoqués ensuite. »

Ce livre s'organise en trois grandes parties.
L'esprit : A ce stade, pendant que la vie quitte progressivement le corps de Leila, son esprit lui renvoie ses derniers messages. Savoir ce qu'elle a vécu, comment elle a vécu, étouffée par la tradition et la soumission. Recherche de la liberté, en quête d'évasion, qu'elle finira par trouver en fuyant à Istanbul. Une nouvelle vie. Un nouveau tournant… Et puis on fait connaissance avec ses cinq amis, aux noms si spéciaux : Nalan, Sabotage, Jameelah, Zaynab, Humeyra. Ils sont tous un peu écorchés, ils auront tous un rôle essentiel aux côtés de leur amie commune.
Le corps : Son esprit s'est éteint. Son corps sans vie est découvert et emmené à la morgue. Ses amis sont dévastés, la tristesse et son manque les submergent. Mais ils sont bien là. Ils sont sa famille, absente et dans le déni. Leur amitié est plus forte et ne cessera jamais de se renforcer. Jusqu'au bout et même au-delà… Ils sont prêts à tout, même dans l'extrême, pour Leila…
L'âme : Un seul mot peut résumer cette dernière partie : liberté…

Je suis devenue la sixième amie de Leila. Je me suis attachée à cette bande de copains, j'ai eu l'impression de les comprendre, de les écouter. Cette histoire est une vraie leçon d'amitié, de volonté, de courage et de renaissance. Ce roman a ce petit quelque chose qui m'a changée, qui instruit sur le mode de vie du pays, qui m'a touchée, j'ai eu du mal à partir, à le refermer. Mais je vais le garder très précieusement….

« Le chagrin est une hirondelle, dit-il. Un jour vous vous réveillez et vous vous dites, ça y est il s'est envolé, mais il n'a fait qu'émigrer dans un autre endroit, il se réchauffe les plumes. Tôt ou tard il revient se percher de nouveau dans votre coeur. »

https://littelecture.wordpress.com/2020/03/14/10-minutes-et-38-secondes-dans-ce-monde-etrange-de-elif-shafak/
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