La curiosité est sacrée, l'incertitude est une bénédiction.
-Veinarde?
-Ben ouais, si tu as le mal du pays, ça veut dire que tu as un pays qui t'attend quelque part.
Elles avançaient au pas sur une route à deux voies en partie bloquée par un camion renversé, coincées entre des véhicules de toute taille. Les doigts de Peri pianotaient sur le volant, changeaient de station de radio toutes les trois minutes, tandis que sa fille baillait d'ennui, enfoncée dans le siège du passager, ses écouteurs sur les oreilles. Comme une baguette magique entre des mains inexpertes, le ralentissement changeait les minutes en heures, les humains en sauvages, et leurs restes de raison en simple démence. Istanbul semblait s'en moquer. Du temps, des sauvages et de la démence, elle en avait à foison.
Il y avait quelque chose d'affreusement dangereux dans le fait d'attendre de quelqu'un qu'il ait la réponse à la plupart de nos questions, et que cette personne incarne un raccourci vers tout ce qui était resté non résolu jusqu'ici .
p. 320
Un pays natal, on l'adore, bien sûr ; parfois il peut aussi être exaspérant et déroutant. Pourtant j'ai fini par apprendre que pour les écrivains et les poètes qui estiment que les frontières nationales et les barrières culturelles doivent être remises en question, encore et encore, il n'y a en vérité qu'une seule terre natale, perpétuelle et portable.
Le pays des histoires. (p. 474)
Là résidait le paradoxe de la disgrâce publique qui, en privant un individu de ses fonctions sociales et de ses respectabilités, lui offrait une véritable libération. Oui, il était libre comme l'oiseau, et aussi insouciant. Mais il savait, bien sûr, que les oiseaux sont des créatures d'habitude, donc pas exactement libres, et qu'ils ont toutes sortes de préoccupations.
Je n'ai jamais compris les gens qui étaient fiers d'être américains, arabes ou russes... chrétiens, juifs ou musulmans. Pourquoi devrais-je êtrefière de quelque chose que je n'ai pas choisi ? C'est comme de dire que je suis fière de mesurer un mètre soixante-quinze. Ou me féliciter de mon nez busqué. Simple loterie génétique !
Si un nombre suffisant de regards éprouvaient la même hallucination, elle devenait vérité.
Certaines personnes veulent changer le monde, d'autres, leur compagnon ou leurs amis. Moi, j'aimerais changer Dieu. Ça, ce serait vraiment formidable. Est-ce que tout le monde sur terre n'en profiterait pas ?
"Quand je te regarde, je vois en germe une intellectuelle orientale typique, avait-il ajouté. Amoureuse de l'Europe, en conflit avec ses racines."
Pourquoi les racines avaient-elles plus de prix que des feuilles ou des branches, Peri n'arrivait pas à le comprendre. Les arbres avaient d'innombrables pousses dans toutes les directions, au-dessus comme au-dessous des terreaux anciens de la planète. Si même les racines refusaient de rester en place, comment espérer l'impossible de la part d'êtres humains ?