[...] si la vie de célibataire dure trop longtemps, il devient difficile de se marier : plus on est âgé, plus augmentent les exigences envers le partenaire. Si on réfléchit trop, le mariage ne se réalisera jamais.
"La vie est brève
Tombez amoureuses, jeunes filles
Avant que le carmin de vos lèvres ne passe
Que la marée de votre sang ardent ne tiédisse
Demain il ne sera plus temps."
Son regard est toujours tourné vers le ciel. Je ne sais pas à quoi il pense, mais le calme de son visage me rassure.
Tsuyoshi n'exprime pas beaucoup ses sentiments. C'est typique des Japonais. Je ne l'ai jamais entendu me dire "Je t'aime". Comme si ce n'était pas la peine de le dire. C'est étonnant qu'il ait tant parlé lors de notre premier rendez-vous.
Cependant il m'a lancé avec son sourire ironique : "Tu es comme la fleur de yamabuki. Belle mais pas de fruit". Stupéfaite, je lui ai répliqué : "Tu es instruit, mais tu n'en est pas plus intelligent".
Je m'amuse parfois à écrire des haïkus au son de la pluie fine, diluvienne, battante. Et lorsque le soleil tout blanc et éblouissant annonce la venue de l'été, je ressens déjà de la nostalgie pour les moments passés à écouter la pluie.
Ce sera bientôt notre cinquante-sixième anniversaire de mariage.
Je me dis : "Cinquante-six ans... Nous avons partagé un temps si long sans nous séparer. Nous avions auparavant été complètement étrangers l'un à l'autre, au moins dans ce monde."
Je n'avais jamais entendu parler d'une déclaration d'amour aussi laconique, directe et audacieuse. C'est comme un haïku mais loin d'être poétique. La forme des caractères carrés est aussi loin d'être artistique. Cependant tout est clair.
La vie est brève. Tombez amoureuses, jeunes filles.
J’attendrai l’arrivée d’un homme qui m’acceptera sans conditions, simplement parce qu’il est amoureux de moi. Et je l’épouserai simplement parce que je suis amoureuse de lui. Sinon, je resterai célibataire.
"Je m'appelle Tsuyoshi Toda.
J'ai le coup de foudre pour vous.
Est-ce possible de vous revoir ?"