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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
COLIMASSON A GLOBADOS :
Lorsque tout le monde sera devenu son propre biographe à travers le langage binaire des réseaux sociaux, qui aura encore le goût d'ouvrir un livre pour découvrir d'autres existences et d'autres pensées ?


Lenny Abramov, citoyen américain dans un futur proche, fait figure de résistant. Plutôt résistant mou qu'actif : s'il continue de lire alors que tout le monde croit que les livres puent (Lenny met du désodorisant pour se prémunir d'éventuels relents), ce n'est pas par velléité contestataire, bien au contraire. Lenny tremble à l'idée qu'une personnalité mal intentionnée ne découvre son vice, ce qui ferait chuter aussitôt son score de MASCULINITE et anéantirait toutes ses chances de faire bonne façon autour des gazelles à haute teneur en BAISABILITE qui s'agitent autour d'elle. Il n'empêche… Lenny ne se contente pas de streamer ou de scanner Les Chroniques de Narnia, non –il lit Tolstoï, « un LIVRE de mille pages » !


Un peu contradictoire cette passion pour les vieilles pages, surtout lorsqu'elle provient d'un employé des Services post-humains, normalement censé dédier son existence à la recherche de la vie éternelle. Dans une quête quasi-mystique, les taux d'hormones, de glucides, de lipides et de protides deviennent un nouvel échelon en face duquel les êtres humains se mesurent et se comparent. Plus aucune place ne semble être laissée à l'aléatoire. Les goûts ne relèvent plus de l'idiosyncrasie. Les äppäräts mâchent tout le boulot : ce sont eux qui décident de ce que chacun doit penser de son prochain. Une nouvelle forme de noblesse basée sur le pouvoir de la séduction, de la richesse et de la santé s'établit : les meilleurs avec les meilleurs, les pires restent entre eux. Dans une ambiance paranoïaque, où chacun s'efforce de se conformer à un modèle que les scores mesurés par l'äppärät ont défini, les sentiments et relations sincères ont perdu toute signification.


Est-ce parce qu'il fait partie de la vieille génération un peu désuète ? (il approche quand même de la quarantaine, ce qui est vieux), Lenny Abramov s'éprend d'Eunice, une jeune coréenne rencontrée en Italie, le pays des pâtes et des macarons glucidiques. Amour qui semble sincère –peut-être pas dans ses arguments mais dans son fond- mais qui n'a rien d'évident pour une jeune fille bercée par les critères de son äppärät.


Le monde de demain ressemblera-t-il à celui de Super triste histoire d'amour? Si Gary Shteyngart pousse la caricature d'un monde gouverné par des critères de santé et beauté à son apogée, il reste toutefois crédible en s'inspirant des prémisses que nous pouvons apercevoir dès aujourd'hui, en forçant un peu le trait. On ne saura pas comment la transition de la liberté promise par la technologie sera devenue une nouvelle tyrannie, mais le résultat se déploie dans toute son ampleur dès qu'on ouvre la première page de Super triste histoire d'amour. Immersion dans le fond, immersion dans la forme : l'auteur nous présente une histoire multi-support qui permet à différentes voix de s'incarner. Lenny Abramov le vieillot écrit dans un journal ! Eunice, Jennyfer, Sally, Joshie et consorts discutent entre eux par le biais de leur messagerie äppärät ou du réseau social Globados, avec toutes les libertés de ton et d'écriture que nous permet déjà aujourd'hui la messagerie instantanée, mais où s'ajoutent également des logiciels de flicage effrayants et des conseils douteux (« Tuyau de drague Globados gratis : les mecs adorent quand tu ris à leurs plaisanteries. Mais y a rien de moins sexy que toi quand tu veux les battre à leur propre jeu en jouant les bouffonnes ! Quand il sort une blague, souris pour qu'il voie tes dents et sache à quel point tu le « veux », et dis, « Qu'est-ce que t'es drôle ! » Tu lui suceras l'entrejambe en moins de deux, salope » »).


Et puis tout fout le camp. Les Etats-Unis perdent leur hégémonie, et les petits américains font moins leurs malins lorsque leurs äppäräts se mettent à débloquer. Plus question de mesurer son taux de de pH, de « sang intelligent » ou de « traitement bêta ». Retour momentané obligatoire vers les bases oubliées d'un ancien monde, parsemé de quelques technologies modernes rescapées. Retour qui ne s'effectue pas forcément pour le meilleur… parce que l'être humain, à partir du moment où il progresse sur une voie, ne peut plus faire marche arrière comme si de rien n'était.


Entre quelques réflexions sur l'éternité, l'identité, les origines et les relations sociales, Super triste histoire d'amour piétine parfois de longues pages durant. Comme Lenny Abramov, nous restons coincés dans un monde qui ne permet aucune liberté de pensée. Il faut avoir du cran pour résister à la tentation de la facilité, et on accueille avec un plaisir compréhensible les bourrasques verbales échangées sur Globados. Un monde qui calcule tout et nous évite de nous appesantir trop longuement sur la diversité et la complexité des caractères humains serait-il vraiment si horrible qu'on le pense ? Si l'histoire d'amour entre Lenny et Eunice est super triste, c'est parce qu'elle échoue lorsque tous les critères de mesure « objectifs » disparaissent, laissant libre cours au jugement de chacun de s'exercer selon ses propres critères. En ardent rétracteur de l'äppärät, Gary Shteyngart laisse à son tour son lecteur libre d'interpréter son histoire à sa façon, loin des normes du « bien » ou du « mal » -se cachant toutefois derrière une façade de quelques idées convenues parfaitement dispensables.

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Dans un New York pas si futuriste, sous la domination du tout numérique et sous la dépendance de l'économie chinoise, Lenny, vieil ado attardé rêve de vivre une histoire d 'amour. Mais il est déjà un anachronisme dans cette société qui juge que les livres puent, qui vit par procuration sur son apparat, téléphone ultra sophistiqué qui affiche, aux yeux de tous, le compte en banque, l' état de santé, la baisabilite. Dans cette dystopie, aucune place pour le mystère, la pudeur, l'intime.
Aucun avenir pour cette histoire d'amour maltraitée par les relations familiales complexes des deux amoureux, et qui déjà de par leur différence d'âge ne vivent plus dans le même monde.
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Dans une Amérique agenouillée devant la Chine et au bord de l'implosion, on promet l'immortalité nano-bio-technologique aux plus nantis tandis que la plèbe court après sa dette.

Tous se rejoignent cependant dans le même essentiel : la superficialité interconnectée, une quasi-religion où ce qui compte avant tout c'est d'afficher un bon taux de "baisabilité".

Gloops.. cette dystopie crédible n'est pas tant super triste que super flippante!
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Lenny Abramov. 39 ans. Travaille pour une société qui vend l'immortalité à des gens très riches. Quelque peu dépressif, Lenny est en décalage complet du monde dans lequel il vit. Un monde qui semble être une version encore plus gadgétisée que le nôtre : tout le monde passe son temps sur son äppärät, sorte de téléphone à tout faire, soit à étudier le niveau socio-économique et de sex appeal de ses prochains, soit à faire du shopping en ligne. Lenny lui aime les livres, tombés en désuétude et même en détestation car "ils sentent mauvais", et si son niveau économique est très bon, son sex appeal, lui frôle le ras des pâquerettes.

En voyage à Rome, il tombe désespérément amoureux d'Eunice Park, une Coréenne vivant aux Etats-Unis dans une famille issue de l'immigration. Eunice est désespérée elle aussi et c'est par ce concours de circonstance qu'elle va revenir à New York vivre avec Lenny. Ce roman est l'histoire de leur relation, dans une Amérique en pleine mutation, exsangue économiquement, proche de la révolution même. Si ce background anticipatif est important, il reste une toile de fond.

Le thème de l'histoire est bien cette "super triste histoire d'amour". Triste ça l'est, même si l'on se surprend à croire que cette relation peut marcher. Tout tourne autour de Lenny et Eunice. L'un raconte son histoire au travers de son journal intime. La seconde au travers des messages et des conversations qu'elle avec sa meilleure amie et sa famille. de ce fait, la psychologie de ces deux-là est très fouillée. On évolue avec eux constamment et on se prend à s'y attacher, même s'ils ont certains travers. Entre l'égocentrisme de Lenny et l'obsession du shopping d'Eunice, il y a de quoi faire ...

Le tout est servi dans un style très agréable à lire, avec beaucoup d'humour et une excellente maîtrise de la langue. J'ai particulièrement apprécié les séquences journal intime et conversations instantanées qui s'enchaînent. Cela rend le récit très vivant et nous permet de voir le point de vue des deux personnages en simultané. Et le moins que l'on puisse se demander, c'est comment ils ont fait pour finir ensemble tant ils sont différents...

Si le roman ne marquera pas durablement mon esprit, il m'a néanmoins procuré une lecture fort agréable, l'efficacité du style y étant pour beaucoup.
Lien : http://ledragongalactique.bl..
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Déprimés s'abstenir. Une dystopie digitale assez bien vue. Plutôt bien écrit et plein de trouvailles assez sidérantes (ou too much ?), le livre suppose l'émergence d'un monde peuplé de dirigeants cyniques et d'habitants vulgaires juste intéressés par le pouvoir d'achat, la consommation et le jeunisme. Faut s'accrocher.
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Je découvre cet auteur avec plaisir. Une forme d'humour désabusée, une réflexion socio-politique intéressante... Un auteur contemporain à découvrir d'urgence. Je me jette sur ses autres ouvrages.
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