Attirée par la vie de Henri Rousseau dit Douanier Rousseau (1844-1910) que je connaissais très peu, j'ai été contente de recevoir par Babelio et sa Masse Critique cette bande dessinée en échange d'une chronique.
Les frontières du Douanier Rousseau raconte une journée du procès que le peintre a vécu à la fin de sa vie après quelques jours d'emprisonnement. Accusé de vol, escroqueries et abus de confiance,
Mathieu Siam et
Thibaut Lambert choisissent de nous présenter un vieil homme de soixante-quatre ans, usé, complétement déphasé ne comprenant rien à ce qu'on lui reproche. le procès est représenté avec une absence de couleurs autour de bulle avec des nuances de marron, blanc et noir.
En faisant intervenir le témoignage de quatre personnes, le passé du Douanier Rousseau est évoqué. Tout d'abord, ce sont ces activités de douanier à l'Octroi qu'ils racontent. La personnalité du Douanier Rousseau est décrite comme naïve, rêveuse et décalée. Et pourtant, son ami reconnait son influence dans le groupe d'amis en amenant la beauté. Une formidable double page évoque la luxuriance du Mexique, en guerre avec la France, par le dessin de la serre du jardin des plantes où le talent de l'artiste semble être recréer.
Puis, le procès fouille dans sa vie d'étudiant pour ressortir un ancien délit avec le témoignage du fils du directeur de l'Octroi. On y découvre l'amour de jeunesse du Douanier Rousseau, une belle polonaise Yadurgha. Mais, aussi, que son père autoritaire est incapable de reconnaître les qualités de son fils.
Suit alors le témoignage du loueur de l'atelier du Douanier Rousseau. C'est ainsi tout l'entourage du peintre qui s'invite dans la BD. Y est montré la générosité du peintre qui héberge le poète et romancier
Alfred Jarry. On apprend que
Marie Laurencin n'était pas satisfaite de son portrait qui ne lui plaisait absolument pas alors que le peintre le trouve très réussi. Mais surtout, est reproduit l'éloge de
Guillaume Apollinaire, son ami, qui, plus tard, sur sa tombe fera graver par Brancusi un si bel hommage !
Le dernier témoignage concerne la reconnaissance du talent du Douanier Rousseau. Il fut tellement décrié, et
Mathieu Siam et
Thibaut Lambert restituent bien le mépris de beaucoup, que même les hommes de loi au procès le déconsidèrent.
Sonia et
Robert Delaunay qui forment aussi son cercle d'amis acceptent son côté fantasque et le présentent à un marchand d'art qui deviendra son principal vendeur.
Mathieu Siam explicite, à la fin des Frontières du Douanier Rousseau, son choix pour ce peintre, le travail avec
Thibaut Lambert et ses recherches. le travail documentaire qu'il présente permet de considérer cette bande dessinée comme un véritable essai décrivant plus que la vie du peintre, sa façon d'être, son comportement avec son entourage et sa passion dévorante pour l'art. Ainsi, la bande dessinée n'est pas seulement un divertissement mais aussi une façon d'en apprendre plus sur ce sujet particulier.
Les frontières du Douanier Rousseau rendent particulièrement bien compte de la personnalité étrange mais si attachante d'un peintre longtemps déprécié mais qui a su imposer, au fil des années, sa conception du monde.
Mathieu Siam et
Thibaut Lambert ont réussi à recréer ce personnage dans toute sa complexité et son talent. Leur travail, délicat tout en respectant les faits historiques, est un soutien à la compréhension de cet artiste, admiré par les avant-gardistes du XXè siècle et dont on reconnait l'importance aujourd'hui. Une découverte très appréciée !
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