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Critique de colimasson


Concluant un peu simplement que Robert Silverberg devait être le plus grand écrivain de SF de tous les temps parce que j'avais lu sans ennui son roman L'Oreille interne, il me fallut quelques mois ou années (je ne sais plus) avant de me décider à lire un autre de ses romans. C'est que je pressentais déjà la possibilité d'une erreur dans mon enthousiasme, ou d'un hasard trop malencontreux pour avoir l'occasion de se répéter une fois de plus.


Bingo ! Ainsi déchantai-je rapidement en entamant la lecture du Temps des changements. N'est-ce qu'une énième saga ? me demandai-je en parcourant d'un oeil distrait les histoires préliminaires de familles, de clans et de conflits se déroulant sur une planète inconnue dont Robert juge bon de nous faire connaître la géographie – moi qui ne m'intéresse déjà pas à celle, réelle, de la planète sur laquelle je vis.


Ce n'est qu'une fois le décor installé que nous comprenons l'utilité de cet épanchement géostratégique puisque le point de bascule des aventures de Kinna Darival, qui occuperont la suite du roman, s'origine d'une règle morale qui semble avoir germé de la tourbe comme une réponse symptomatique à des conditions initiales de vie : l'interdiction de parler de soi à la première personne et d'utiliser les pronoms personnels correspondants. On nous montrera, comme si cela constituait l'évidence même, que cette interdiction de trop s'appesantir sur soi-même entraîne l'acceptation d'une grande quantité de contraintes et l'impossibilité de fomenter un plan de révolte. L'inverse pourrait tout aussi bien être exact, mais nous n'entrerons pas dans le débat.


Kinnal déroge à l'interdiction fondamentale lors de sa rencontre avec un terrien qui lui fournit une dose de poudrette rendant l'âme à l'ivresse et à « l'ouverture des portes de la conscience ». On sait bien souvent que ce sont aussi d'autres choses qui s'ouvrent à cette occasion, ce que la suite de l'histoire nous prouvera. On a bien envie que Kinnal baise enfin sa soeur de lien même si ça risque de foutre en l'air l'existence bien convenable qu'il s'est construite (et on sait ô combien cela coûte de construire une vie bien convenable alors, est-ce que ça vaut le coup ?).


D'une certaine manière, la poudrette est l'occasion pour Kinnal d'entrer dans un processus analytique de connaissance de soi – moitié jungien (pour l'élargissement des portes), moitié lacanien (pour l'influence du langage sur la constitution des représentations) – avec toutes les répercussions qu'on peut imaginer sur le plan sociétal lorsqu'il ramène sa révolte linguistique sur ses terres.


Même s'il perd son temps à créer des mondes imaginaires, Robert est un excellent auteur aguerri dans l'exploration des tréfonds psychologiques de ses personnages – là où se trouve finalement la matière la plus délicieuse de la science-fiction.
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