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Une année sans Robert Silverberg n'est pas une bonne année. Il était temps que j'en lise un.

L'auteur s'attaque ici à une oeuvre difficile qu'à mon avis il ne maitrise pas entièrement. le décor planétaire et les conventions sociales qu'il bâtit auraient probablement été adoubées par Jack Vance. le coeur du sujet, c'est cette société qui refuse l'expression de soi. Dire « je » est une grossièreté, voire une injure ; les gens disent « on ». Parler de soi est interdit ; un « montreur de soi » est un paria. Connaissant la psychologie humaine, il y a de quoi transformer cette planète Borthan en fabrique à névrosés. Mais il existe des soupapes de sécurité : tout d'abord chaque être humain est associé à un frère et à une soeur « de lien » avec lesquels le partage total est possible et même recommandé. D'autre part, il y a les Purgateurs, sortes de prêtres assurant la confession moyennant un contrat en bonne et due forme.

Ne pas dire « je ». Difficile à gérer dans un roman. Cela aurait pu tourner à l'exercice de style façon Raymond Queneau, mais Robert Silverberg contourne le problème en donnant la plume au seul homme qui devient l'opposant au système et instigateur du fameux Changement du titre. Cet homme là – Kinnal Darrival – s'exprime évidemment comme nous. le roman est donc lisible sans lourdeur (c'est Silverberg) mais la distanciation introduite par cette absence du « je » devient du coup assez anecdotique.
D'autre part, on constate vite que ce langage particulier ne modifie pas fondamentalement la psyché humaine. Les hommes continuent à éprouver du désir, de la jalousie, à être ambitieux, à faire la guerre pour gagner un avantage. Ne pas « être montreur de soi » est loin de signifier « devenir humble et altruiste ».

Mais au premier chef, le Temps des Changements est avant tout l'autobiographie de Kinnal Darrival, ce prince obligé de partir vivre une vie au sein du peuple, de se faire une place au soleil (hé oui, c'est pas interdit), et qui va se trouver confronté à cette forme de relation sociale de l'ancienne Terre qui admet et même favorise le « je ». C'est son évolution et celle de ses relations avec ses proches qui est racontée. Et là l'auteur est dans sa zone de confort. C'est là que je retrouve mon Silverberg adoré. Cette évolution m'a rappelé celle de Lew Nichols dans L'Homme Stochastique : contact, perturbation, acceptation du destin et de toutes les conséquences.
La drogue, qui annihile la distance, tient aussi un grand rôle. Dont-on y voir une image de l'esprit hippie « faites l'amour pas la guerre » ? Quand au sexe, il est toujours aussi présent, quoiqu'un peu complexé dans ce système de valeurs.

Le bilan final est positif, même si je trouve le livre un peu dense. Encore un Silverberg classique de lu. Au suivant.
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Concluant un peu simplement que Robert Silverberg devait être le plus grand écrivain de SF de tous les temps parce que j'avais lu sans ennui son roman L'Oreille interne, il me fallut quelques mois ou années (je ne sais plus) avant de me décider à lire un autre de ses romans. C'est que je pressentais déjà la possibilité d'une erreur dans mon enthousiasme, ou d'un hasard trop malencontreux pour avoir l'occasion de se répéter une fois de plus.


Bingo ! Ainsi déchantai-je rapidement en entamant la lecture du Temps des changements. N'est-ce qu'une énième saga ? me demandai-je en parcourant d'un oeil distrait les histoires préliminaires de familles, de clans et de conflits se déroulant sur une planète inconnue dont Robert juge bon de nous faire connaître la géographie – moi qui ne m'intéresse déjà pas à celle, réelle, de la planète sur laquelle je vis.


Ce n'est qu'une fois le décor installé que nous comprenons l'utilité de cet épanchement géostratégique puisque le point de bascule des aventures de Kinna Darival, qui occuperont la suite du roman, s'origine d'une règle morale qui semble avoir germé de la tourbe comme une réponse symptomatique à des conditions initiales de vie : l'interdiction de parler de soi à la première personne et d'utiliser les pronoms personnels correspondants. On nous montrera, comme si cela constituait l'évidence même, que cette interdiction de trop s'appesantir sur soi-même entraîne l'acceptation d'une grande quantité de contraintes et l'impossibilité de fomenter un plan de révolte. L'inverse pourrait tout aussi bien être exact, mais nous n'entrerons pas dans le débat.


Kinnal déroge à l'interdiction fondamentale lors de sa rencontre avec un terrien qui lui fournit une dose de poudrette rendant l'âme à l'ivresse et à « l'ouverture des portes de la conscience ». On sait bien souvent que ce sont aussi d'autres choses qui s'ouvrent à cette occasion, ce que la suite de l'histoire nous prouvera. On a bien envie que Kinnal baise enfin sa soeur de lien même si ça risque de foutre en l'air l'existence bien convenable qu'il s'est construite (et on sait ô combien cela coûte de construire une vie bien convenable alors, est-ce que ça vaut le coup ?).


D'une certaine manière, la poudrette est l'occasion pour Kinnal d'entrer dans un processus analytique de connaissance de soi – moitié jungien (pour l'élargissement des portes), moitié lacanien (pour l'influence du langage sur la constitution des représentations) – avec toutes les répercussions qu'on peut imaginer sur le plan sociétal lorsqu'il ramène sa révolte linguistique sur ses terres.


Même s'il perd son temps à créer des mondes imaginaires, Robert est un excellent auteur aguerri dans l'exploration des tréfonds psychologiques de ses personnages – là où se trouve finalement la matière la plus délicieuse de la science-fiction.
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Robert Silverberg est incontestablement un des plus grands auteurs de science-fiction. Il a écrit de nombreux chefs-d'oeuvre et obtenu plusieurs prix. J'ai souhaité lire le temps des changements (prix Nebula du meilleur roman en 1971) parce que ses livres Les Monades urbaines et Les Ailes de la nuit m'ont particulièrement marqué.

L'histoire se passe sur la planète Borthan. Une planète où le plus grand tabou est de parler de soi.

« - Ce tabou qui vous interdit de parler de soi, me demanda Schweiz une autre fois, pouvez-vous me l'expliquer ?
- Vous voulez dire l'interdiction de prononcer je et moi ?

- Pas tellement ça mais plutôt l'ensemble du système de pensées qui vous fait nier qu'il existe des choses telles que le je et le moi, répondit-il. Cette nécessité où vous êtes de garder secrète en tout temps votre vie privée, sauf avec vos frères et vos soeurs par le lien et vos purgateurs. Cette coutume qui vous pousse à ériger autour de vous des murs si solides qu'ils affectent même votre grammaire. »

Kinal Darrival est le fils cadet du Septarque de Salla, une des régions les plus riches de Borthan. Il est promis à un bel avenir. L'histoire est son journal, un journal qu'il rédige caché dans le désert alors que son peuple le recherche pour le mettre à mort. Il va nous expliquer comment un riche jeune homme est devenu un "montreur de soi".

Le talent de Robert Silverberg n'est plus à démontrer et le temps des changements fait partie de ses livres de grande qualité.

Il nous plonge dans une société complexe où toute individualité est bannie par peur de l'arrogance. L'histoire est racontée à travers le journal du personnage principal, Kinal Darrival. Petit à petit, on découvre par ses yeux la société dans laquelle il vit. C'est un modèle qui peut paraître dans un premier temps séduisant et altruiste, mais on s'aperçoit vite qu'une société basée sur la négation de soi ne peut au final qu'entraîner frustrations et douleurs. Les gens y vivent comme des ombres, détachés de tout et donc insensibles à l'amour et au bonheur.

Les personnages sont d'une grande complexité. Leurs sentiments sont parfaitement décrits. On comprend leurs choix, leurs peurs, leurs douleurs et bien entendu leur actions. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre le personnage de Kinal. Au début, il n'a rien d'un héros. C'est un personnage hésitant et malheureux. Mais, au fil des pages, les caprices du destin l'obligent à grandir, et il se retrouve presque malgré lui entraîné dans le temps des changements.

On fait inévitablement le parallèle avec notre monde à l'époque où ce texte a été écrit. On sent l'influence de mai 68. le moi plutôt que la machine impersonnelle de la société, l'usage des drogues pour s'ouvrir aux autres. Même si ce message peut paraître daté sur certains points, la drogue notamment, il apparaît encore d'actualité concernant la place de l'homme dans la société.

Pour conclure, le temps des changements est un roman engagé. Malgré ses 40 ans, il reste en bien des points percutant. Un roman à lire indiscutablement.

Note : 8/10
Lien : http://www.les-mondes-imagin..
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Ce roman nous transporte dans un monde où chacun est éduqué pour effacer son "moi" : ne jamais prononcer "je" ou "moi", considérés comme des grossièretés, ne jamais parler de soi ni de ses sentiments, ne pas être "un montreur de soi". Ce monde est un mélange de modernité (voitures et téléphones existent), et d'archaïsmes (le régime politique est une sorte de république romaine, les transports sur de longues distances restent laborieux, on risque sa vie pendant ses loisirs, la chasse en l'occurrence).
Comme souvent, Silverberg ne met pas au premier plan la science fiction ou l'uchronie, mais s'en sert de point d'appui pour explorer les réactions humaines. Ici c'est réussi.
De plus, j'ai été emporté par l'intrigue.
C'est un de mes Silverberg préférés parmi les 10 que j'ai lus cette année dans le challenge Silverberg.

(https://www.babelio.com/groupes/7/Science-Fiction-et-Fantasy/forums/7/Discussion-generale/15931/2018-lannee-Robert-Silverberg)
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Kinnal Darival est un "montreur de soi" : il n'a aucune honte à parler de lui-même à la première personne, alors que c'est le plus grand tabou sur la planète Borthan. Comment en est-il arrivé à nous raconter sa vie dans son journal ? Pourquoi sa vie est-elle menacée ?
Le temps des changements, c'est l'exploration d'une société où chacun est refermé sur lui-même et qui refuse le changement. le héros, qui a découvert une drogue qui permet d'ouvrir son esprit aux autres sera pourchassé.
Ce n'est pas le meilleur livre de Robert Silverberg, mais il faut dire qu'il est l'auteur de tels chefs d'oeuvres (les monades urbaines, l'oreille interne, le livre des crânes, etc...) qu'on est très exigeant avec lui ;) On retrouve son talent pour décrire des personnages complexes, ambigus et en proie à une adversité écrasante et sans espoir. le monde décrit est cohérent, on s'y croit. Bref, un univers crédible et des personnages complexes : de la bonne science-fiction !
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D'abord il faut préciser que j'ai lu et aimé la plupart des livres de cet auteur: les monades urbaines, les temps parallèles, un jeu cruel, l'oreille interne, l'homme programmé, Roma Aeterna...
Et une fois de plus je ne suis pas déçu! On retrouve le style fluide de Silverberg et l'évolution de la personnalité du personnage principal Kinnal est passionnante.
Il vit sur une autre planète ou la société est complètement névrosé, il est proscris de faire preuve de tout partage de soi d'ailleurs le "je" ne peux même pas être employé. Il va au fur et à mesure du roman évoluer vers "le temps des changements" notamment grâce à l'usage de la drogue seul moyen de faire partager ses expériences et de dévoiler son âme à autrui.
Encore une fois, après l'oreille interne et l'homme programmé Silverberg nous présente un personnage à la personnalité ambiguë qui aimerait changer sa condition et la condition de son peuple de sa planète.
Si vous avez aimé les monades, précipitez vous dans ce livre, l'idée de la dystopie y est également développé avec toute la maîtrise de sans doute le plus grand écrivain de science fiction de tous les temps.
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J'aime vraiment les romans de Robert Silverberg. Je ne sais jamais où je met les pieds et je suis rarement déçu. Ce livre ne fait pas exception !
J'apprécie beaucoup le style de narration à la première personne. le personnage principal nous raconte sont histoire et je n'ai qu'à me laisser porter et à apprécier. le rythme est lent, certains passage sont surprenants ou paraissent sans intérêt mais mis bout à bout ils racontent un voyage, expliquent la construction du personnage, son parcours et les raisons de ce témoignage.
Difficile d'expliquer clairement ce qui m'a plu dans ce livre mais j'ai apprécié le sous-texte et les réflexions entamées sur de nombreux sujets de société comme l'usage de la drogue, les apparences, les conventions sociales, la normalité,... Tout ça sur une autre planète, mais confrontée aux mêmes problèmes sociétaux que la nôtre.
Un roman difficile à classer mais un véritable plaisir de lecture en ce qui me concerne.
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Je m'appelle Kinnal Darival, et je vais tout vous dire à mon sujet. En écrivant ces quelques mots qui nous paraissent anodins, Kinnal risque la mort ou la prison à vie car il devient un dangereux montreur de soi. En effet, sur la planète Borthan, il est interdit de parler de soi, de dire je, d'exprimer une opinion personnelle sous peine d'être puni. Kinnal raconte dans cette confession comment, grâce à une drogue fourni par un Terrien, il a pu se libérer de cette entrave à la connaissance de l'autre mais au prix de sa vie sociale, de sa famille et de sa liberté. Kinnal raconte son enfance en tant que deuxième fils d'un puissant septarque, son amour impossible pour sa soeur par le lien, ses confessions aux purgateurs, seules personnes habilitées à recevoir des paroles de soi ainsi que ses différentes pérégrinations et rencontres offrant au lecteur de captivantes aventures de science-fiction doublées d'une réflexion sur la solitude de l'être humain et l'impossibilité de se livrer entièrement. Un incontournable de Robert Silverberg.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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