Manon savait qu'on arrêtait pas les cauchemars.
Ni maintenant, ni jamais.
Essayer de les affronter ne faisait que les rendre plus forts.
Essayer de remonter leur piste ne pouvait que ramener aux territoires insaisissables de l'âme et à la nuit absolue, insondable, dont ils étaient issus.
Insidieux.
Instoppables.
"Un club sadomaso". Manon avait déjà entendu ce genre d'histoires sordides. Comme tout le monde.
-- Ce sont des légendes urbaines, déclara-t-elle. Sincèrement, je doute que les hommes politiques passent leurs week-ends à ligoter et torturer des gamines.
Ariel eut un sourire blasé.
-- Hommes politiques, banquiers, moi ça ne m'étonnerait pas. Quand tu as de l'argent et du pouvoir, quand tu peux assouvir tous tes fantasmes, tu finis par te lasser de tout. Il te faut des expériences plus extrêmes. Plus dépravées.
- Ce sont des êtres humains. Comme partout, il y a des bons et il y a des incompétents. Enfin, sans doute beaucoup plus d'incompétents que de bons...
La mort.
Comme pour tous les témoins.
Ne laisse que des cendres.
Puis elle le vit, lui.
(...)
Le plus terrifiant était sn masque.
L'homme semblait avoir enfilé une tête de bouc. Cornes recourbées. Oreilles pointues. Poils épais. Une tête monstrueuse, démesurée par rapport à sa silhouette.
Elle ne comprenait pas où étaient les yeux de l'individu.
Pourtant il la contemplait, cela ne faisait aucun doute.
(...)
L'homme à la tête de bouc leva sa machette et la point a vers elle.
Poussant un cri rauque, il chargea.
- Arrête de pleurer. Tu vas au Paradis.
Sans cesse la nuit m'appelle,
Regarde - moi bien dans les yeux
Tu y verras l'ombre des flammes
Du feu de l'Enfer.
Manon souffla dans ses mains, éparpillant les brins de gazon devant elle. Elle sentait qu'elle effleurait quelque chose d'important, sans parvenir à mettre le doigt dessus.
C'était comme si son esprit lui hurlait qu'elle avait la solution sous son nez et qu'il lui suffisait d'ouvrir les yeux. De les ouvrir tout de suite.
Or, elle n'arrivait toujours pas à assembler les pièces du puzzle entre elles.
La frustration qui en résultait était une vraie torture.
Ariel avait vingt-six ans. Il se comportait comme s'il en avait toujours quinze. Manon ne pouvait plus le supporter, c'était aussi simple que ça.
Si jamais tu essayes de te défiler, je ne me contenterai pas de crever les yeux de ta soeur. À toi, je te couperai les couilles, puisque visiblement elles ne te sont d'aucune utilité.