Citations sur Pas de pitié pour Martin (16)
Au fond, que la vie de Martin n'ait pas changé d'un iota depuis le lycée, cela n'avait rien que de très banal ; d'ailleurs, son existence était tout entière placée sous le signe de la banalité, et la normalité avait toujours été son inatteignable horizon. Sa taille, son poids, son intelligence, tout en lui était moyen ; mais alors pourquoi donnait-il à ce point d'être toujours en dessous de la moyenne ? Grâce au ciel , il avait tout de même quelques atouts : un boulot stable ; une Toyota dont il avait presque fini de rembourser les traites ; une connaissance approfondie de l'univers des produits sanitaires. (...)
La mère de Martin était aussi peu satisfaite de son fils qu'il l'était de lui-même - voire plus encore.
Sa Toyota était garée devant la boîte aux lettres; la rosée matinale faisait étinceler le "trouduc" gravé sur la portière droite......L'agent de police qui avait pris sa déposition avait déclaré : "Manifestement, celui qui a fait ça vous connaît."
Martin alla puiser au plus profond de lui-même le peu de dignité qu'il lui restait. " je ne suis pas homosexuel, maman."
Elle rétorqua d'un regard incrédule.
"non", dut-il insister.
Elle défroissa un pli de son journal d'un petit coup sec. "Comme tu voudras, fit-elle d'un air pincé. De toute façon, vu que ça doit bien faire dix ans que tu n'as pas tiré un coup, qu'est-ce que ça changerait ?"
Evie Reed avait été belle, à une époque- époque dont, étrangement, il ne subsistait aucune trace. Pas une seule photo n'avait immortalisé cette sublime beauté; et il ne restait pas un seul témoin pour corroborer ses dires.
On avait un peu de mal à la croire en la voyant à présent, avec son chignon gris et l'énorme verrue au milieu de son front qui faisait penser à une espéce de troisiéme oeil velu. On n'avait guére d'autre choix que de la croire ssur parole, et de faire un effort pour se persuader que cette vieille dame maigrichonne, assise à lire son journal, ses jambes d'araignée fermement croisées, fumant comme un pompier et déversant des tombereaux d'insultes, avait été en des temps lointains la grande rivale de Jean Harlow. Elle était la "Mission Accomplie" de son époque.
Martin Reed avait décrété depuis longtemps qu'il n'était pas né dans le bon corps. Comme son destin aurait été différent, se disait-il souvent, si seulement l'espéce de paquet de chair amorphe qui regardait dans le vide, sur la premiére photo de lui à la maternité, avait montré ne serait-ce qu'une once de potentiel.
Au fond, que la vie de Martin n'ait pas changé d'un iota depuis le lycée, cela n'avait rien que de très banal; d'ailleurs, son existence était tout entière placée sous le signe de la banalité, et la normalité avait toujours été son inatteignable horizon.
« Sa mère est terrorisée et dit qu’il a un comportement étrange ces derniers temps. Elle se demande si elle n’aurait pas recommencé à boire.
- Recommencé ?
- Elle dit qu’il n’aime pas en parler. Doit être en désintox, fit Bruce en haussant les épaules, (beaucoup de flics étaient dans la même situation). Cette bonne femme jure comme une charretière, soit dit en passant. Elle m’a sorti de ces trucs – même moi j’ai rougi.
Venant d’un homme puis qui « connard » était un simple signe de ponctuation, c’était tout dire. »
p. 50
Elle attendit que le gardien se soit éloigné pour se pencher vers son fils et poursuivre d'une voix à présent sifflante : "Ecoute-moi bien, espèce de petit con. Si t'es si mal ici, t'as qu'à leur dire la vérité. C'est ça que tu veux ? Tu crois qu'elle continuerait de s'intéresser à toi, ton inspectrice chérie, si elle savait que t'étais un pauvre schnock incapable de faire du mal à une mouche et... et bien sûr que je t'aime, Martin. Jamais je ne pourrais te haïr. Je hais les crimes que tu as commis, mais tu seras toujours mon fils."
Martin soupira. Le gardien était revenu.
Était-ce donc cela ? Était-elle tombée amoureuse ? Eh bien...peut être. An tâta le terrain dans un premier temps, essayant de déterminer quel genre d'émotions cela lui inspirerait. Elle se fit livrer à elle même des fleurs au bureau et partit plus tôt un vendredi après-midi pour se préparer à "un dîner galant".
Bien sûr, certains mensonges atteignirent une tout autre dimension, et furent plus difficiles à couvrir, comme la fois où An se paya une semaine de vacances en Floride, soit disant pour allez consulter un éminent oncologue avec Jill. Certains, à son retour, remarquèrent son bronzage; elle expliqua qu'elle avait tenu à rester avec Jill durant les séances de radiothérapie.