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Critique de kielosa



Je suis content d'avoir été retenu, grâce à une opération "massa critique" privilégiée, pour une oeuvre de Zadie Smith, en l'occurrence "Swing Time", car cette écrivaine de père britannique et de mère jamaïcaine a toujours quelque chose d'intéressant à raconter et elle le raconte si bien. Même si l'on serait étonné que cette auteure réussisse à égaler ou même surpasser l'exceptionnelle qualité de son chef-d'oeuvre "Sourires de loup" de l'année 2000. Mais notre Zadie ne compte que 42 printemps et il est, à mon avis, un peu beaucoup injuste de s'attendre à ce qu'elle fasse à chaque nouvel ouvrage mieux que lors de son chef-d'oeuvre. Soyons indulgents et n'attendons pas des miracles à chaque coup.
La même remarque vaut par ailleurs pour Arundhati Roy, à qui l'oeuvre de Zadie Smith fait penser, et qui n'atteint pas non plus le niveau de son magnifique "Le Dieu des Petits Riens", le Prix Booker de 1997, dans ses romans ultérieurs, qui valent pourtant la peine d'être lus.

Je remercie en tout cas Babelio et l'éditeur Gallimard pour cet aimable envoi.

De Zadie Smith j'ai lu, outre son superbe "Sourires de loups", bien entendu, "L'homme à l'autographe" de 2002, "De la beauté" de 2005 et "The Embassy of Cambodia" de 1913. À part "L'ambassade du Cambodge", en fait, une brève nouvelle d'à peine 69 pages, aucun de ses oeuvres ne m'a déçu... et encore cette nouvelle - qui n'a pas (encore) été traduite en Français - a sûrement aussi ses admirateurs.

L'ouvrage est subdivisé en 7 larges parties er chaque partie compte un certain nombre de chapitres brefs, mais l'ensemble totalise tout de même 471 pages.
C'est surtout la première partie, intitulée "Les débuts", qui m'a plu.

L'histoire démarre avec la rencontre de 2 gamines de 7 ans à la peau "marron clair" dans un quartier populaire de Londres en 1982. Il s'agit de la raconteuse (Zadie Smith ?) et Tracey, toutes les 2 folles de danse. le titre du livre "Swing Time" se réfère d'ailleurs au titre de leur film favori, une comédie musicale américaine de George Stevens de 1936 avec le couple inoubliable de danseurs à claquettes Fred Astaire (de son vrai nom Frederick Austerlitz) et la belle Ginger Rogers.

Les 2 gamines sont fort différentes de caractère et tempérament : tandis que Tracey peut se montrer difficile, effrontée et même dèvergondée, sa copine est plutôt romantique, sérieuse et studieuse. C'est cependant cette amitié, avec ses coupures plus ou moins longues, qui forme la trame du récit. La mère de l'héroïne principale, une femme ambitieuse qui lit des traités politiques et laisse la cuisine à son mari, un employé de la poste de sa Gracieuse majesté un peu effacé (et à qui il faut plusieurs années pour terminer le "Manifeste communiste" de Karl Marx, qu'il lit par amour pour son épouse), n'est guère favorable à cette amitié.

Ce que j'ai apprécié de Zadie Smith dans cette première partie c'est sa façon d'évoquer le racisme dans ce quartier malfamé de la capitale britannique, dont les 2 métisses sont parfois victimes, tout en teintes fines, sans grandes déclarations fracassantes et truffée d'anecdotes pittoresques.

Il faut dire aussi que la situation de ce point de vue est nettement pire à la Jamaïque qu'à Londres. En visite à Kingston, la capitale, en 1996. le guide nous avait conseillé de nous balader le plus possible en groupe. Vu le grand nombre de sans emplois, de corruption et de pauvreté, il vaut effectivement mieux ne pas trop se risquer seul comme blanc dans certains endroits de cette belle île, où règne une violence quelque part compréhensible. Je signale à ce propos l'excellent ouvrage du professeur de l'université des Antilles et historien, Fred Célimène, "La Jamaïque, les raisons d'un naufrage".

La carrière de la protagoniste principale prend un envol considérable lorsqu'elle devient le bras droit de la superstar mondialement célèbre Aimee. Comme le monde du pop constitue pour moi une "terra incognita", j'ignore si cette star est la guitariste et compositrice blonde Aimee Mann, née à Richmond en Virginie aux États-Unis en 1960 ou si, au contraire, il s'agit d'une création fictive de Zadie Smith ?

Quoi qu'il en soit, pour notre héroïne son existence s'en trouve remuée de fond en comble : la découverte du monde des riches et fortunés, les palaces, les déplacements en Learjet, partout le tapis rouge etc. Comme cette Aimee est une femme hyperactive et exigeante, la vie de notre héroïne est donc loin de tout repos ! Pendant 10 ans elles passeront le plus clair de leur temps ensemble.
Honnêtement, je dois avouer que cette partie de l'histoire m'a franchement moins emballée, bien que l'épisode de la construction d'une école dans un coin paumé de la Gambie, avec l'argent d'Aimee, soit intéressant. Comme le craint un expert, une fois l'encadrement des blancs disparu, il y a des fortes chances que l'école soit démontée brique par brique pour être réutilisée dans les habitations des nouveaux arrivants.

Le sort qui se présenta à Tracey, avec "son petit nez porcin" était très différent. Avec son habitude de provoquer les autres filles de sa classe, en demandant aux garçons par exemple "50 pence pour toucher les nichons" qu'elle était la seule à avoir développé, les Noires, Blanches et Métisses se liguèrent pour l'ostraciser. Comme son père passait de temps en temps en taule, c'est là que les mauvaises langues voyaient déjà leur camarade de classe. le contraste entre les 2 amies ne fait que s'accroître.

Le cinquième roman de Zadie Smith confirme ses talents littéraires tant sur le plan style et langage, que par son aisance à évoquer des situations complexes. Et le mélange des races dans certains quartiers de l'East End londonien entraîne des rapports humains qui ne sont pas toujours très simples.

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