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Critique de mylena


Quelle journée ! Et quel talent pour rendre l'univers terrible des camps en racontant une journée ordinaire ! Cette journée semble bien longue au lecteur comme à Ivan Denissovitch, sans repère temporel. En une journée nous ressentons les comptages et recomptages sans fin des prisonniers, les déplacements des zeks en rangs par cinq des baraques au chantier, du chantier aux baraques, jour après jour, avec la peur permanente d'un événement qui envoie au cachot, ce qui est quasiment une condamnation à mort.
Ivan Denissovitch Choukhov est un russe ordinaire, fait prisonnier par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, il a réussi à s'enfuir et à retourner dans sa patrie, pensant être accueilli à bras ouverts. Mais comme tant d'autres, il a été accusé de « trahison envers la patrie » et condamné à dix ans de camp de travail. Il a déjà effectué plus de la moitié de sa peine, mais sait qu'elle sera prolongée encore et encore, et qu'il ne sortira probablement pas du camp vivant. Soljénitsyne réussit, avec la description de cette journée ordinaire, à nous faire toucher du doigt ce système totalitaire qui enlève tout espoir en niant l'individu. Tous savent que réintégrer la vie normale est impossible. Pas besoin de scènes violentes, ni de scènes de sévices ou de tortures, le quotidien dans des conditions inhumaines suffit à lui seul avec le froid, les travaux difficiles, la faim, ...
C'est donc une journée comme une autre, dans un univers qui a généré ses propres règles, avec toutes les menues combines d'un zek pour améliorer son ordinaire : ne pas dévorer toute sa miche de pain le matin, mais en cacher une partie pour en manger le soir, se débrouiller pour avoir une part de soupe en plus, rendre de menus services à ceux qui reçoivent des colis, cacher le meilleur outil pour le retrouver le lendemain. Et par petites touches, à des détails, Soljénitsyne nous fait percevoir cet univers de survie. le récit est minimaliste, et c'est ce qui lui donne toute sa puissance. La langue est à la fois truculente et lyrique, l'écriture épurée, le texte inoubliable.
Et à la fin, malgré la résignation de ces hommes, on sent qu'il leur reste encore un peu d'humanité, et les derniers mots d'Ivan (une journée de plus était passée, sans seulement un nuage, presque un bonheur…) sont à la fois terribles et lumineux hymne à la vie.
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