Si le chagrin est le voyou qui vous balance un coup de poing dans les entrailles, la solitude est son acolyte qui vous tient les bras dans le dos et vous réduit à l'impuissance avant l'attaque
...sous la fenêtre du cabinet de musique, les asters pourpres réduisaient les pâles géraniums à la modestie.
Robin se tut un moment et réfléchit.
« Je déteste le paradis, déclara-t-il. C'est plein de gens morts. »
Je pouvais à peine respirer. Il entendait la musique telle que je l'entendais. Pour la première fois depuis la disparition d'Edie, je ne me sentais plus seul.
[...] je n'étais pas préparé à la solitude. Certains jours, c'était pire que le chagrin. Si le chagrin est le voyou qui vous balance un coup de poing dans les entrailles, la solitude est son acolyte qui vous tient les bras dans le dos et vous réduit à l'impuissance avant l'attaque. Pour la première fois de ma vie, le silence me narguait. Je méprise la musique de fond, un fond sonore, la musique d'ambiance... peu importe le nom qu'on lui donne. On doit écouter la musique avec attention, ou sinon il faut faire régner le silence. Cependant il y avait rarement eu le silence dans ma tête ; mon esprit avait rempli de musique tous les recoins de calme. parfois c'était la mienne - un morceau que j'avais écrit ou que j'allais écrire - ou peut-être simplement un peu de Mozart. Pas après Edie. Après elle, le monde devint affreusement silencieux. Un silence lugubre s'insinuait partout comme un chancre humide.
Les souvenirs me traversaient l'esprit sans que j'y pense et j'étais obligé de les contempler, passif et impuissant à les contenir.
« Pour l'amour du ciel ! s'exclame Edie de nouveau en m'arrachant le tuyau. Tu as perdu connaissance. J'appelle le docteur.
– C'est idiot ! Les hommes ne perdent pas connaissance, lui dis-je sèchement.
– Très bien, comment tu appelles ça ? » me demande-t-elle d'une immense hauteur, sa tête flottant parmi les nuages. J'ai peur qu'elle ne recommence à crier ; pourvu qu'elle ne le fasse pas car ma tête est traversée de vibrations en rouge et noir.
« Je me suis étalé.
– Oui, c'est nettement plus viril. »
Si le chagrin est le voyou qui vous balance un coup de poing dans les entrailles, la solitude est son acolyte qui vous tient les bras dans le dos et vous réduit à l'impuissance avant l'attaque.
Il est étrange qu'une œuvre musicale écrite en imaginant la perte et la destruction de Hartgrove Hall ait au contraire contribué à sa sauvegarde. Je suppose qu'à présent, plutôt qu'un adieu, c'est devenu un portrait.