Je connaissais
Stéphane Soutoul principalement pour le Cycle des âmes déchues dans lequel il met en scène une famille de chasseurs de vampires dans une ambiance de 19ème mystique à souhait, le tout étant raconté grâce à une plume précieuse et riche. Ce fut un véritable choc de découvrir cette nouvelle série d'urban fantasy qui n'a rien à envier aux oeuvres anglophones. Et pour cause, c'est un style transfiguré que l'on retrouve : direct et plein d'un humour grinçant qui colle parfaitement à la personnalité de Syldia, ex Famine. Plus que cela, et c'est à ça qu'on reconnaît la patte de monsieur
Soutoul, la psychologie des personnages, qu'ils soient au premier plan ou pas, est très approfondie.
C'est un tome introductif qu'on découvre, mais il ne présente aucun des travers des opus d'ouverture de série. Dès le début, on entre dans la peau de Syldia, et on est fasciné par l'univers dans lequel elle vit la nuit, ce Toronto dépeint avec ce qu'il faut de détails, où une assemblée de vampires et un coven de sorciers se partagent le pouvoir. Syldia saute d'un contrat à un autre tout en devant jongler avec son agenda très serré, puisque quand le jour se lève, du fait d'une malédiction jetée par un amoureux éconduit, elle se retrouve prisonnière d'un corps d'ado, celui de Samantha, avec toutes les contraintes qui vont de paire.
Le pari était risqué de choisir d'écrire sur la base d'une narration alternée, nous livrant les points de vue de Syldia occupant tour à tour deux corps aux antipodes l'un de l'autre. Je tiens à le préciser, c'est bien Syldia que l'on retrouve, même si du fait de son corps d'adolescente, elle s'adoucit sous nos yeux grâce à l'affection que lui porte sa famille diurne. Et là où on est content, c'est que progressivement, elle emporte un peu de cette douceur avec elle, faisant fondre la glace qui recouvre son coeur.
Syldia, en tant qu'ex ange de l'Apocalypse, est une vieille âme, ce qui se ressent surtout à son côté blasé. C'est une femme qui évolue au coeur de l'action de par son métier de garde du corps. Elle, comme ses soeurs, essaient en quelque sorte de se racheter. Et on se dit que l'idée est tout simplement géniale. Au lieu d'avoir pris une retraite bien méritée après avoir semé le chaos, on retrouve ces cavalières infernales à notre époque où elles se sont toutes recyclées, chacune portant le poids de sa nature. Je crois bien qu'entre tout ce que nous propose Stéphane ici (et croyez-moi, il n'a pas été avare), c'est ce que j'ai préféré : ce cadre familial un peu étrange où le ressentiment est omniprésent. Ces soeurs qu'on imagine inséparables ont vraiment des personnalités explosives. Certaines sont bien dans leurs baskets, ce qui fait encore plus ressortir le mal-être des autres, surtout celui de l'une d'entre elles pour qui j'ai éprouvé beaucoup de compassion.
Concernant Sam, grosse surprise. Alors qu'on s'attend à s'ennuyer ferme de son point de vue, on apprécie le répit que sa vie offre à Syldia, et cerise sur le gâteau, la magie s'invite aussi en journée… Au final, c'est ce qui renforce la crédibilité de l'univers, car on a affaire à deux vies distinctes, mais aucune cloison n'a été érigée, de sorte qu'elles pourraient finir par se recouper…
Côté personnages masculins, si Desmond le sorcier ne m'a pas convaincue, j'avoue être intriguée par Nolhan le vampire, et j'espère donc qu'on assistera à un rapprochement entre lui et Syldia dans le second tome.
C'est donc un coup de coeur pour cette série d'anges « déchus » qui nous propose un personnage fort, maudit mais qui ne se lamente pas et fonce tête baissée dans l'action. L'enquête est bien menée, et le dénouement survient dans les derniers chapitres de manière parfaite.
NB : J'ai beaucoup apprécié la manière de décrire les pouvoirs des protagonistes, le tout a un petit goût d'X-Men très agréable.
4,5/5 à cause de quelques petits trucs trop rapides (confession d'un personnage et sous-entendu de sentiments naissants)