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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le sujet du livre, une histoire qui a bouleversé la France au milieu des années 80, « L'affaire Valérie Subra » ou "Le trio diabolique" …

L'histoire de trois paumés devenus assassins, une jeune fille un peu déboussolée de 18 ans, Valérie Subra, et deux garçons, Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud, 19 et 21 ans. Ils rêvaient de fortune et avaient besoin de beaucoup d'argent. Ils imaginent un scénario où Valérie doit séduire des hommes seuls, se faire inviter chez eux, et faire ensuite entrer ses complices qui feront main basse sur l'argent et les bijoux. Ensemble ils vont faire cinq tentatives de meurtre en dix jours de folie et vont finalement commettre deux meurtres qui leur rapporteront très peu mais surtout de longues années de prison. L'affaire fait grand bruit, mais l'attention médiatique se concentre surtout sur le personnage féminin du trio.

Jugés en 1988, les trois complices sont condamnés à des peines de réclusion à perpétuité, assorties de peines de sûreté incompressibles de 18 ans pour les garçons et de 16 ans pour la fille.
Finalement, Valérie Subra a été libérée en 2001, suivie plus tard par Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud.

Fruit d'une longue et minutieuse enquête journalistique, la reconstitution de Morgan Sportès nous plonge dans un roman sombre et palpitant. Cette enquête méticuleuse relate la terrible descente aux enfers de jeunes adultes totalement perdus. Du déroulement des faits, en passant par l'instruction judiciaire jusqu'au procès, on se demande ce qui les a poussés à en arriver là. Ce roman a été porté à l'écran par Bertrand Tavernier.
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Sportès Morgan – "L'Appât" – Seuil, 1990 (ISBN 978-2020228398)

Comme dans le cas de "Tout, tout de suite" (publié vingt-et-un ans plus tard, en 2011), l'auteur se livre à une reconstitution aussi précise et complète que possible d'un fait divers réel : début décembre 1984, un trio de jeunes gens (composé de Valérie Subra, Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud) attire deux hommes censés être fortunés dans un guet-apens pour les assassiner après leur avoir soutiré l'argent liquide disponible ainsi que les quelques objets de valeur (briquets, montres, bijoux) facilement transportables. Dans les deux cas, le butin est dérisoire rapporté à la sauvagerie des deux assassinats froidement prémédités et organisés.
La jeune fille servant d'appât a tout juste 18 ans : vivant dans un milieu plutôt aisé, elle s'est exclue elle-même du circuit scolaire et rêve de devenir starlette ou mannequin ; uniquement soucieuse d'elle-même, elle ne montre aucune compassion envers les victimes.
Laurent Hattab est le fils d'un juif tunisien, nouveau riche ayant fait fortune dans la confection et installé dans "le sentier" ; le père ne refuse rien à son fils, qui dispose d'autant d'argent qu'il le veut, mais souhaite s'émanciper en "montant des coups" ; il n'a aucune culture, aucune éducation religieuse.
Jean-Rémi Sarraud est le pauvre paumé du groupe, le grand gaillard baraqué qui suit son copain Laurent aveuglément, qui n'entretient plus aucun lien familial (la famille n'assistera même pas au procès), qui sort d'un milieu défavorisé.

Leur procès s'ouvrira en janvier 1988, alors que se tient le procès des membres du groupe terroriste "Action directe" (qui avaient été arrêtés le 21 février 1987). Quelques mois plus tôt s'étaient tenus deux autres procès spectaculaires, celui de "l'assassin des vieilles dames" Thierry Paulin et, en mai juin 1987, celui du criminel nazi Klaus Barbie.

Précisions : la reconstitution narrée dans "L'appât" de Morgan Sportès se déroule dans un milieu et des lieux qui me sont totalement et radicalement étrangers, à savoir cette jeunesse plus ou moins dorée des filles et fils à papa, ainsi que ces vieux beaux, qui passent leur temps dans les boîtes de nuit ou ces bars glauques réservés à des clientes et clients du type Strauss-Kahn, amateurs de "chair fraîche" jeune et féminine mais pas seulement, ce que les journaleux et paparazzi appellent la "jetset", les "people", ces gens pour qui il est extrêmement important d'étaler des signes de richesse clinquants, des modes de vie basés sur le gaspillage éhonté de l'argent facilement gagné, des liaisons toutes plus "scandaleuses" les unes que les autres etc. En ce sens, le récit de Sportès est bel et bien un document sociologique très précis et probablement fidèle de ce milieu particulièrement corrompu.

La thèse centrale de Morgan Sportès, selon ses propres dires, consiste essentiellement à montrer "la jeunesse que notre société sécrète". Ceci me semble bien abusif. Que des jeunes (y compris, voire surtout, des filles) sans repère, désaxés, trop gâtés par leurs parents, se laissent fasciner par ce milieu pourri n'est guère étonnant, cela a probablement toujours existé sous des modalités diverses. Il est également probable que "la société du spectacle" (Sportès était proche de Guy Debord) accentue les dérives de ce type de jeunes, et que la "déréalisation" les mène facilement à des actes d'une sauvagerie in-croyable puisque L'Autre n'est plus qu'un objet (cf les ravages actuels des jeux vidéo d'extrême violence) : le degré de violence augmente sans cesse chez les jeunes, que ce soit dans le cadre scolaire ou en dehors, que ce soit dans les banlieues ou dans les institutions chics. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit là – Dieu soit loué – de phénomènes extrêmement minoritaires pour l'instant, mais que les médias se font un grand plaisir de monter en épingle.

A mes yeux, Sportès a quelque peu raté son livre : il aurait dû non pas seulement faire allusion au procès du groupe "Action directe" mais carrément monter un parallèle entre ces deux séries de meurtres. N'y a-t-il pas des similitudes entre ces jeunes filles et jeunes gens s'octroyant le droit de vie et de mort sur d'autres personnes uniquement parce que leurs propres désirs de puissance et de gloire leur semblent suffisants pour justifier des meurtres ? N'est-ce pas cet acte de violence ultime, l'assassinat, qui constitue le coeur de leurs actions, qu'elles et ils enrobent ensuite soit dans de grands discours politiques (vides de sens), soit dans un désir "d'avoir de la thune, là tout de suite" pour aller "frimer" ?

Pour en revenir au trio de 1984, il va de soi que ces trois personnes sont aujourd'hui sorties de prison et libres comme l'air ! Les deux garçons furent condamnés à 18 ans de prison, la jeune-fille à 16 ans. Selon "wikipedia", Valérie Subra, et Jean-Rémi Sarraud se sont montrés bien sages en prison, où ils ont effectués quelques études leur permettant d'obtenir de tout beaux diplômes : tous deux auraient donc trouvé du travail, et auraient – chacun de son côté – fondé une famille avec enfant ! Comment ces enfants supporteront ils d'apprendre que leur père (dans un cas) et leur mère (dans l'autre cas) se sont rendus coupables de deux assassinats, prémédités, avec actes de torture ? Que diront ces glorieux parents lorsque leur descendance aura lu "L'Appât" ? (un assassin comme Bertrand Cantat remonte bien sur les planches pour se faire applaudir par des minettes, et le juge n'a aucune charge à retenir contre DSK ni Dodo-la-Saumure…).

Au centre de ce récit se trouve donc la jeune fille qui a délibérément accepté de servir d'appât.
Etrange ? Quelle est l'image des jeunes filles massivement diffusée de nos jours ?
Il y a peu, l'affiche du film états-unisien "Spring breakers" (sorti en 2012) s'étalait sur tous les supports publics imaginables dans le métro, le RER, sur le cul des bus. Cette affiche, d'une vulgarité et d'une bêtise répugnantes, représente quatre filles typiquement états-unisiennes, dans les 18 ou 20 ans, en maillot de bain et dans des postures franchement obscènes (fesses tendues, poitrine offerte etc). Il paraît que le réalisateur, un obscur Harmony Korine, a voulu restituer l'image que les adolescentes ont aujourd'hui d'elles-mêmes, et surtout les modèles qu'elles se choisissent "à la Britney Spears" : comme j'ignore tout de cette personne, je tapote son nom sur Google, et je reçois effectivement des images d'une sorte de walkyrie hystérique dans des accoutrements ridicules et surtout dénudés. Tout cela pue le fric et le show-biz : c'est probablement ce genre de représentation qui inspirait cette Valérie Subra... Et que dire des Madonna, Jennifer Lopez, et autres starlettes spécialistes des tenues et gesticulations putassières, modèles des gamines d'aujourd'hui ?
Pourtant, depuis plusieurs années, les rapports s'accumulent au plus haut niveau, que ce soit sur l'hypersexualisation (rapport à la ministre Chantal Jouanno, 5 mars 2012), ou sur la consommation de films pornographiques dès avant l'adolescence, y compris chez les filles (rapport à Jeannette Bougrab – voir "Et si on parlait de sexe à nos ados ?" publié chez Odile Jacob).
Il faut dire qu'après l'acquittement de DSK et son copain Dodo-la-Saumure, les juges auront quelques peines à expliquer aux ados des banlieues pourquoi, eux, n'ont pas le droit d'organiser des tournantes dans les caves, avec des filles plus ou moins consentantes…

Au sortir de la lecture, puis de la re-lecture, de ce livre, on reste sidéré, car on prend bien conscience que ce glissement vers la barbarie, loin de s'atténuer, est au contraire en train de s'accentuer inexorablement, dans l'indifférence totale des responsables, et même (affaire DSK) avec la complicité des juges…
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