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Critique de Lucilou


J'ai depuis l'adolescence une fascination pour les soeurs Brontë qui confine à la passion due autant à leurs écrits (les romans évidemment et en tout premier lieu mais les poèmes également, les écrits d'enfance aussi. On trouve tellement déjà à Gondal et Angria ce qui fait fait la puissance créatrice et le génie de la fratrie!) qu'à leur vie dont on sait beaucoup en ayant l'impression de connaître si peu.
Ainsi le presbytère de Haworth tient dans mon imaginaire une place non moins significative que le domaine de Hurlevent (le roman d'Emily est mon favori!) ou de Thornfield et je dévore dévotement les biographies, les récits, les essais qui parlent de Charlotte, Branwell, Emily et Anne. L'ouvrage de Laura El Makki "Les soeurs Brontë: la force d'exister" est d'ailleurs mon dernier coup de coeur en date en la matière.
Comme beaucoup de lecteurs et de lectrices, j'ai commencé mon voyage à Haworth avec les romans de Charlotte puis d'Emily. Je suis venue plus tard à ceux d'Anne et je dois avouer que si j'ai beaucoup aimé "Agnès Grey", j'avais été déçue par "Le Recluse de Wildfell Hall" en ce sens que je l'avais trouvé trop moralisateur et presque trop ... dévôt (?) alors même que j'en avais perçu (je le perçois encore) toute la modernité, tout le féminisme, toute la révolte, toute la révolution... parce qu'en effet "La Recluse de Wildfell Hall" est révolutionnaire, plaçant en son coeur une femme fuyant un mari violent, foulant au pied la sacro-sainte prison du mariage et des conventions victoriennes!
Plus que ses soeurs qui mettent en scène des hommes destructeurs pour lesquels les héroïnes finissent par se sacrifier par amour, Anne a su dénoncer les affres d'une société patriarcale dans laquelle la dissolution du mariage était encore illégale en dépeignant une femme qui part, qui s'enfuit, qui quitte sa brute d'époux et avec une plume incroyablement claire et incisive! Rien que pour cela, Anne gagne à âtre connue, pour cela et parce qu'à l'ombre de ses soeurs, elle n'a longtemps laissé que l'image d'une jeune fille un peu fade...
Avec Brontëana, paru chez Steinkis, Paulina Spucches se propose donc de raconter la vie de la moins connu des soeurs Brontë et delui rendre hommage. Exit donc la petite ombre qu'André Téchiné avait imaginé dans les années soixante-dix sous les traits de la toute jeune Isabelle Huppert. Place à Anne telle qu'elle était ou telle qu'elle aurait pu être d'après ses lettres et ses écrits, d'après la sensibilité de l'auteur aussi sans doute. C'est ainsi que le roman graphique met en scène une jeune femme qui lutte pour faire entendre sa propre voix contre la société victorienne qui condamne violemment sa recluse mais contre les siens aussi parfois qui la voient encore comme la petite soeur fragile de la fratrie quand elle a pourtant grandi et su s'affirmer. Les relations intrafamiliales se racontent au coeur de l'ouvrage et sont plus complexes que ne le laisse penser une certaine imagerie d'Epinal, plus intéressantes aussi.
En filigrane de l'aspect biographique du roman qui n'omet ni les drames familiaux, ni l'expérience de gouvernante ou d'écrivain l'auteure en profite pour revenir sur la réception des oeuvres des soeurs quand elles se faisaient encore appeler Currer, Ellis et Acton Bell, dans le prologue notamment, que j'ai trouvé aussi brillant qu'agaçant.
J'ai vraiment adoré ce roman graphique qui aborde un thème cher à mon coeur, j'ai eu pourtant peur au début car les graphismes m'ont d'abord paru agressifs.. La palette de couleurs choisie qui fait la part belle aux verts vifs, aux jaunes et aux ocres flamboyants m'a déstabilisée tout comme les traits des personnages mais je m'y suis faite rapidement, finissant par me sentir fondre dans toutes ces couleurs qui sont celles de la lande telle qu'elle a eu la chance de la découvrir Paulina Spucches. Et puis, ces couleurs aussi sont un parti pris: Anne Brontë et ses soeurs méritent plus de couleurs que le gris dont la tradition les auréole souvent, non?

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