Quoi qu'il n'y ait point de fausseté dans son caractère, il y a si peu d'abandon qu'on sait avec elle la vie d'avance, comme si l'avenir était déjà du passé.
À la voix de ce qui nous fut cher, le souvenir du passé doit toujours renaître, rien ne peut l’anéantir ; il se retire au fond de notre cœur, lors même qu’on croit l’avoir oublié. (Folio, p.386)
Il y a quelques heures que je me suis crue très mal, mais c'est une des illusions de la douleur : souffrir ce n'est pas mourir, c'est vivre. Page 210
L'incertitude de la destinée humaine, l'ambition de nos désirs, l'amertume de nos regrets, l'effroi de la mort, la fatigue de la vie, tout ce vague du cœur enfin, dans lequel les âmes sensibles aiment tant à s'égarer.
La morale rend l’avenir présent, c’est une de ses plus heureuses puissances. (Folio, p.799)
Elle commence, la mort, à la première affection qui s’éteint, au premier sentiment qui se refroidit, au premier charme qui disparaît. Ses signes avant-coureurs se marquent tous à l’avance sur nos traits ; l’on se voit privé par degrés des moyens d’exprimer ce que l’on sent ; l’âme perd son interprète, les yeux ne peignent plus ce qu’on éprouve, et les impressions de notre cœur, comme renfermées au dedans de nous-mêmes, n’ont plus ni regards ni physionomie pour se faire entendre des autres ; il faut alors mener une vie grave, et porter sur un visage abattu cette tristesse de l’âge, tribut que la vieillesse doit à la nature qui l’opprime.
On parle souvent de la timidité de la jeunesse : qu’il est doux, ce sentiment ! ce sont les inquiétudes de l’espérance qui le causent ; mais la timidité de la vieillesse est la sensation la plus amère dont je puisse me faire l’idée ; elle se compose de tout ce qu’on peut éprouver de plus cruel : la souffrance qui ne se flatte plus d’inspirer l’intérêt, et la fierté qui craint de s’exposer au ridicule. Cette fierté, pour ainsi dire négative, n’a d’autre objet que d’éviter toute occasion de se montrer ; on sent confusément presque de la honte d’exister encore, quand votre place est déjà prise dans le monde, et que, surnuméraire de la vie, vous vous trouvez au milieu de ceux qui la dirigent et la possèdent dans toute sa force. (Folio, p.776)
Le secret de la raison, c'est d'attendre ; mais qui attend en vain n'a plus qu'à mourir. (Folio, p.233)
Hier enfin..... Mais comment vous raconter ce jour, c'est replonger mon âme dans le trouble qui l'égare. Quel sentiment que l'amour ! Quelle autre vie dans la vie ! Il y a dans mon cœur des souvenirs, des pensées si vives de bonheur, que je jouis d'exister chaque fois que je respire. Ah! que mon ennemi m'aurait fait de mal en me tuant ! Ma blessure m'inquiète à présent : il m'arrive de craindre qu'elle ne se rouvre ; des mouvements si passionnés m'agitent que j'éprouve, le croiriez-vous ? la peur de mourir avant demain, avant une heure, avant l'instant où je dois la revoir. (Folio, p.164-165)
-La critique ou la Iouange, me répondit-elle, est un amusement de l'esprit ; mais ménager les hommes, est nécessaire pour vivre avec eux. -Estimer ou mépriser, repris-je avec chaleur, est un besoin de l'âme ; c'est une leçon, c'est un exemple facile à donner. (Folio, p.74)
N'avez-vous pas souvent remarqué dans la vie combien les gens médiocres et les personnes distinguées s'accordent mal ensemble ! Les esprits tout à fait vulgaires s'arrangent beaucoup mieux avec les esprits supérieurs; mais la médiocrité ne suppose rien au-delà de sa propre intelligence, et regarde comme folie tout ce qui la dépasse.