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Critique de SophieChalandre


Une partie du 19ème siècle est traversée par certains mouvements de pensée radicaux qui dévoilent une béance métaphysique : Dieu est une fiction fabriquée par les hommes (cf. Feuerbach). Quelques philosophes vont alors faire des propositions pour répondre à cette question : mais que faire et qu'être, dans un monde exempt de dimension divine ?
Si, face à cette béance existentielle, Schopenhauer propose (pour aller vite) une sorte de sagesse du néant et Thoreau formule des réponses en interpellant les leçons de la nature, le philosophe Max Stirner va de son côté poser la question du moi comme unicité, un "je" radicalement post chrétien qui fait table rase de la notion du corps et de l'âme, instituant, dans la constellation anarchiste riche en positions et traditions paradoxales, un anarchisme individualiste.
Auteur d'un livre unique assez mal construit, réunissant des cahiers sans véritable ligne conductrice, Max Stirner semble tout détruire pour ne sauver que son moi et interroger sa nature, dans un plaidoyer du Je qui anéantit le modèle de l'idéalisme allemand.
Si Marx le qualifiera de petit bourgeois égocentrique, Stirner, qui a influencé l'esthétique de Marcel Duchamp sur les conseils de lecture de Picabia, également attentivement lu par Mussolini, reste une source d'inspiration essentielle pour le surhomme de Nietzsche, même si ce dernier ne l'a jamais cité, on sait cependant qu'il l'a lu.
Issu du cercle des jeunes hégéliens de gauche aux côtés d'Engels et Bauer, Max Stirner y puise une partie de la pensée de son ouvrage explosif, L'unique et sa propriété, avançant que le moi, l'unique, est essentiel et tout ce qui empêche son affirmation et sa réalisation doit être détruit, véritable épine dorsale de tout le développement de sa pensée.
Le projet de ce livre est de proposer, dans un monde sans dieu, d'être libre en considérant que rien ne doit être posé au dessus de "ma" liberté. La propriété du moi est que tout potentiellement lui appartient à partir du moment où personne n'est assez fort pour s'y opposer, donc une guerre de tous contre tous pour l'auto affirmation. Ce sont aussi des morceaux épars de polémiques et controverses parfois difficiles à identifier. Max Stirner se hâte d'exposer des thèses sans dire qu'elles ne sont pas les siennes pour ensuite les réfuter ce qui rend assez âpre sa lecture.

Nihiliste, foncièrement anti-hégélien et épuisant la dialectique d'Hegel, la puissance du travail du négatif chez Max Stirner se déploie autour d'une dénonciation farouche et colérique de la loi, des institutions, de la politique et toute la politique (révolution française comprise), de la religion et de ses dogmes, du travail et du peuple, du marché, de la propriété, de la société (famille, argent, éducation, héritage…), mais aussi de la morale bourgeoise en attaquant la prohibition de l'inceste, critiquant la monogamie, le sens de l'honneur, l'amour, l'amitié, le mariage, l'altruisme, l'éthique… Tout ce qui peut entraver, engager ou contraindre la libre expression du moi, ultime souverain et seule réalité positive, hissant l'ego au dessus de toute forme de déterminisme. Que l'on adhère ou pas à ses thèses, Max Stirner a osé dans cet ouvrage foutraque une liberté de pensée décapante et une hardiesse philosophique inouïe en bâtissant cette très humaine révolte du moi.
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