Le vacarme du monde est réconfortant. Seul le calme perturbe.
Je trébuche sur les mots, étranglée par la multitude de sensations que je cpte; besoins, envies, attentes qui pullulent alentour. La peur contamine toutes les émotions, tous les gestes
Le bien et le mal. Pour Ro, le monde est divisé en deux colonnes. Il a une vision différente de la mienne. Moi, je suis submergée par des milliers de perspectives simultanées. Voilà pourquoi j'ai autant de difficultés à trier les émotions. Et que ça m'épuise.
A la lisière de la Chute, les véhicules abandonnés depuis longtemps sur l'autoroute sont des coquilles vides rouillées. A quoi bon posséder une voiture sans énergie pour la faire fonctionner ? Privées de carburant, elles ne sont plu que le souvenir d'une liberté que l'humanité n'a plus.
Une tache grise sur mon bras, la couleur de l'océan sous la pluie.
Deux points rouges sur le sien, la couleur du feu.
La marque commune de nos destins communs, bien que nous ignorions en quoi ils consistent. Si mon prénom est Chagrin, le sien est Fureur [...]
Mon gris appuie sur son rouge.
Nous vivons désormais dans un univers réduit à deux êtres. Liés par les stigmates sur nos peaux et dans nos cœurs.
Nous soufflons comme deux chiens de la Mission pourchassés par des coyotes. L'animal froid et pantelant dans ma poitrine, la créature chaude et enragée dans la sienne tapis l'un contre l'autre.
Icon Doloris.
Dolorus. Doloria. Moi.
Mon destin est souffrance, et mon nom est chagrin.
Un petit cercle ayant la couleur de l'océan sous la pluie.
L'unique chose qui me constitue vraiment.
Ma destinée.
[...] Ro est allongé sur le plancher près de moi et ronfle [...]
Mon voleur de rebuts. Mon montagnard. Mon créateur de mondes.
Il est aussi chaud que le soleil dans mon dos. Aussi chaud que je suis froide. Aussi rugueux que je suis lisse. Tel est notre équilibre, rien que l'un des fils invisibles qui nous attachent l'un à l'autre.