Tu as beaucoup changé, Alison

À cet instant, je compris que je n’avais vécu depuis notre dernière rencontre que dans l’idée de la retrouver. Sa mère, effondrée, était retournée se réfugier à San Francisco ; après avoir volé et bousillé une voiture dans un accident spectaculaire à moins de vingt mètres de l’endroit où le thermomètre peint dominait le paysage italien, je m’étais retrouvé bouclé par mes parents dans un internat de Miami qui ressemblait à une prison. Elle se trouvait dans un autre État, dans une autre condition. Nous étions séparés mais (je le savais) notre séparation n’était pas définitive

En arrivant à la ferme, je ne remarquai rien d'insolite - la jument était en train de paître parmi les vaches, la pelouse s'étendait, labourée et brûlée, et je ne vis Alison nulle part. Je déglutis, m'engageai dans l'allée, craignant de la découvrir comme j'avais découvert son père et l'Ours Polaire. Je freinai en braquant vers la pelouse et sautai dans le véhicule avant même son arrêt complet.
Je la sentais - je sentais l'odeur d'eau froide, comme s'il venait juste de cesser de pleuvoir. Mes jambes refusaient presque d'avancer, j'avais le coeur glacé de peur.