Ne peins pas ce que tu vois, Johanne, m’intima Munch, en me tendant sa palette .Peins ce que tu ressens , cherche la lumière.
Mon père disait toujours qu'il y avait des manières de pénétrer dans la forêt. L'on pouvait y entrer en courant, le coeur ouvert à tous les possibles, sans savoir ce qui vous attendait au prochain tournant ; où l'on pouvait aller d'un pas tranquille, en devisant et en riant avec des amis, insensible aux bruits discrets de la forêt ; ou encore flâner au bras d'un amant, à la recherche d'un refuge pour des instants volés à deux. L'on pouvait enfin s'y glisser silencieusement, attentif au moindre souffle de la forêt, dans un état de communion magique et d'osmose muette avec la nature.
Nous devrions suivre ceux qui sont lumière, qui nous montrent le chemin. Mais que faisons-nous ? Nous les persécutons. Les gens ignorent la lumière, ils préfèrent l'obscurité.
Mais saurait-il vraiment me comprendre ? Ce besoin viscéral de peindre, les sentiments qui s'agitaient en moi, tout ce que Munch m'avait appris. Thomas allait-il m'ôter tout cela ? Devrais-je renoncer à mon âme pour devenir sa femme ?
-Il utilise l'alcool pour brouiller les contours.
-Les contours de quoi ?
-De la vie [...].
Je caressai la toile, tamponnai la peinture à légers coups de pinceau et restai à l'écoute, comme s'il ne s'agissait que d'une longue conversation avec moi-même.
J'essaye de peindre les questions insolubles que nous pose l'existence, toutes ces choses qui nous laissent perplexes. J'essaye de peindre la vie telle que nous la vivons.
Je songeai à Thomas, avec ses envies de parcourir le monde, de naviguer jusqu'à des terres lointaines et de rentrer au pays couvert d'or et de bijoux. Comment pouvait-on rêver d'un avenir si différent du moment présent et s'imaginer les réconcilier grâce au passage du temps ?
L'incertitude surgit lorsqu'il faut aller de l'avant.