Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Après les cent premières pages, j'ai dû me résigner : ce roman n'est pas fait pour moi. Tout me rebute, que ce soit l'écriture, les personnages, l'ambiance…
C'est le concept qui m'avait interpellée : les extraterrestres existent bel et bien, ils nous ont même rendu visite… Mais nous sommes tellement insignifiants pour eux qu'ils sont repartis aussi sec, en laissant derrière eux cinq sites pleins de déchets (pour eux)/d'artefacts (pour nous). le Grand Rendez-Vous Spatial a été manqué !

Red est un stalker : son travail consiste à pénétrer dans ces zones pleines de danger pour en rapporter des batteries infinies et autres merveilles technologiques. Ce n'est définitivement pas un personnage attachant : alcoolique qui s'ignore, brute mal dégrossie, opportuniste, il est à la mesure de son environnement : impitoyable. À dire vrai, j'ai eu du mal à savoir ce qu'il avait de plus que les autres stalkers, eux-mêmes alcooliques, opportunistes et cruels. Parce que c'est le narrateur, il parvient à bout de toutes les épreuves avec la morgue de celui qui sait VS les touristes (= les autres êtres humains). Un personnage un rien irritant, donc.

D'autant que le sexisme ordinaire est monnaie courante dans la Russie des années 70. Je ne peux pas blâmer les auteurs d'avoir donné si peu d'épaisseur à la femme de Red (soumise comme il se doit, belle comme il se doit, serviable comme il se doit), ils sont simplement le produit de leur temps. N'empêche, certains passages la décrivant ou décrivant la pauvreté de leur relation conjugale m'ont faite suer d'horreur. Quelle personne saine d'esprit pourrait accepter d'être traitée de la sorte ? « Femme, fais-moi du café. » « J'ai faim, fais-moi à manger. » « Mes vêtements sont sales. » Et voilà le Mâle, reposé, l'estomac satisfait, déclamant un « salut ! Merci pour le poisson ! » en repartant à l'aventure pendant que sa femme reste sur le pas de la porte avant de retourner entretenir la maison et l'enfant de ce monsieur.
Et encore, je suis contente de ne pas avoir eu droit à des scènes de sexe, mais ça ne doit pas être une partie de plaisir pour madame Redwick...

Après cette scène, la conclusion s'est imposée à moi : je n'arrive pas à mettre mes convictions féministes de côté pour pleinement profiter de cette lecture. Je m'identifie beaucoup plus à la femme de Red qu'à Red lui-même (un homme « macho, égoïste, méchant et vulgaire » pour reprendre les mots de Biiip : c'est si bien résumé), j'ai eu plus d'empathie envers ses concurrents que lui-même (l'attitude qu'il réserve au Charognard est inhumaine). Par ailleurs, je n'ai pas du tout été convaincue par cet univers sombre et sans consistance. Rien n'est décrit avec précision : ni la société russe des années 2020, ni les merveilles extraterrestres que croise Red dans la Zone (uniquement celles qu'il arrive à ramener dans le vrai monde). Vous croiserez des noms déroutants, tels que « gelée-de-sorcière » ou « calvitie-de-moustique » sans savoir de quoi il en retourne.

Trop de défauts et si peu de qualité. J'ai honte de l'avouer, mais je ne suis même pas parvenue à la fin de la seconde histoire ! Je ne saurai jamais qui est Richard H. Nounane, si même s'il apportera une plus-value à cette histoire (apparemment oui, d'après Biiip). Je dois me rendre à l'évidence : c'est un livre écrit par des hommes pour des hommes. L'adaptation en jeu vidéo, témoin du succès de ce titre dans une certaine tranche de la population, est une preuve supplémentaire.
« En même temps, comment pouvaient-ils se douter que les femmes liraient de la science-fiction ? »

Malgré ces 200 pages, je ne suis pas arrivé à traverser cette zone. Personnages à la dérive, histoire à la dérive, tout est sans consistance, sans réalité... Si ce n'était les artefacts extra-terrestres aux noms ridicules (traduction ?), j'ai eu l'impression d'aller faire un pique-nique avec un camarade soviétique dans une décharge publique à la recherche de quelques pépites de technologie laissées par les consommateurs capitalistes ! Enfin, les pièges en plus :-)

Très étonné par les commentaires dithyrambiques lus sur ce site. Je ne dois pas avoir lu le même livre...