Dans
Les débutantes son précédent roman,
J. Courtney Sullivan abordait le thème de l'amitié entre quatre jeunes femmes dont on suivait au fil des années le parcours universitaire, les premiers pas dans la vie professionnelle, la quête de l'âme soeur et l'envie de fonder un foyer pour certaines, l'indépendance pour d'autres... Un premier roman épatant de justesse.
Si
Maine dresse une fois encore le portrait de quatre femmes, l'auteure se penche ici plus particulièrement sur les liens familiaux. Trois générations de femmes sont évoquées ; Alice, la doyenne de la famille Kelleher, une octogénaire veuve, autoritaire et distante avec ses enfants et petits-enfants, qui s'est fait enrôler dans une existence qu'elle ne voulait pas ; Kathleen, sa fille, hippie, ancienne alcoolique et très heureuse depuis qu'elle a divorcé et trouvé un nouveau compagnon, elle travaille dans une ferme élevant des vers de terre, loin de toute superficialité, très proche de sa fille unique ; Ann-Marie, belle-fille d'Alice, mère au foyer et contente de l'être, du moins c'est ce que l'on suppose au commencement du roman, toujours souriante et prête à rendre service, elle fabrique des maisons de poupées, mais des déconvenues l'attendent ; et Maggie, la fille de Kathleen, jeune auteure trentenaire,naïve et empotée, est amoureuse de Gabe avec qui elle rêve de vivre mais est-ce vraiment le souhait de son compagnon ?
La tribu Kelleher est scrutée à la loupe ; les secrets de famille, les non-dits, l'envie, la jalousie, les relations mère-fille, la maternité, la culpabilité, la transmission entre les générations, l'héritage, la mémoire, les deuils, les séparations, les rencontres, les déchirures, les réconciliations... un puzzle qui se reconstitue au fur et à mesure de la lecture avec des retours réguliers dans le passé, éclairant le présent et anticipant l'avenir.
Si chaque membre de la famille poursuit son propre chemin, il existe pourtant une attache, un lien fort qui les ramène tous à un endroit : la maison de vacances dans le
Maine, construite par Daniel, le mari d'Alice dans les années cinquante. Enfants et petits-enfants ont la coutume d'y passer leurs étés. le cottage et la maison attenante trônent face à la mer, véritable paysage de carte postale... le ciel bleu azur, le soleil, le sable, les homards... il se dégage de ce lieu une sérénité qui pourtant sera mis à mal cette saison-là. Car Alice, devenue très pieuse avec le temps a pris une grande décision qui va déchaîner les sentiments et bouleverser sa progéniture.
Encore une fois, la plume de
J. Courtney Sullivan fait mouche. Les personnages ont de l'épaisseur, les histoires sont saisissantes de réalisme, le cadre géographique est merveilleusement bien choisi, les dialogues sont savoureux oscillant entre drôlerie, cynisme et tension, les propos sont intelligents et passionnants et la construction du récit donnant alternativement la parole à chaque femme impose un rythme et des visions différentes. Un roman qui nous embarque et qu'on a bien du mal à quitter. Sûrement parce que ces femmes nous ressemblent. Que leurs préoccupations sont un peu les nôtres aussi.
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