Quand éclate un orage, ils fourrent dans la partition d'énormes tas de notes qu'aucune contrebasse au monde ne pourra jamais joué. Aucune.
D'une façon générale, on ne nous fait pas de cadeaux. Nous sommes bien ceux qui doivent s'échiner le plus.
A la fin d'un concert, je ruisselle de sueur. Pour un opéra, je transpire en moyenne deux litres ; pour un concert symphonique, un litre tout de même.
J'ai des collègues qui courent en forêt et font des altères. Moi, non.
Mais un de ces jours, je vais m'effondrer au beau milieu de l'orchestre et ne plus jamais m'en remettre. Parce que jouer de la contrebasse, c'est une pure et simple affaire de force, ça n'a foncièrement rien à voir avec la musique. D'ailleurs, jamais on ne verra un enfant jouer de la contrebasse.
Moi, j'ai commencé à dix-sept ans.
... Mais, vous voyez, c'est souvent comme ça. Les meilleures choses sont souvent éliminées, parce que la marche du temps leur est contraire. Le temps marche en écrasant tout sur son passage.
Je voulais juste souligner pour commencer cette évidence : c'est que mon instrument, la contrebasse, est le centre de l'orchestre. D'ailleurs, au fond, tout le monde le sait bien. Seulement personne ne veut en convenir franchement, parce que les musiciens de l'orchestre sont par nature plutôt jaloux. De quoi aurait-il l'air, notre Konzertmeister, tout premier violon qu'il est, s'il devait avouer que sans la contrebasse il se retrouverait le bec dans l'eau ?
Entre l’amour physique et le ridicule il n’y a qu’un pas.
Car la musique est le propre de l'homme. Par-delà la politique et l'histoire. Un élément constitutif de l'humanité universelle, une composante innée de l'âme humaine et de l'esprit humain. Et la musique existera toujours et partout, à l'est et à l'ouest, en Afrique du sud comme en Scandinavie, au Brésil comme au goulag. Parce que la musique, justement, est métaphysique. Vous comprenez, méta-physique, donc derrière ou au-delà de la simple existence physique, par-delà le temps et l'histoire et la politique, au-dessus de riches et pauvres, de vie et mort ... La musique est ... éternelle. Goethe a dit : « La musique se situe à une telle hauteur que nul entendement humain ne saurait la saisir, et elle exerce une action à laquelle nul ne peut se soustraire, sans que personne soit cependant capable d'en rendre compte. »
Je ne peux qu'être d'accord.
Il faut dire qu'un violoncelle, c'est moins encombrant qu'une basse. Cela ne prend pas autant de place, entre deux êtres qui s'aiment. Ou qui voudraient s'aimer.
Plus on s’y connaît en musique, moins on est capable d’en dire quelque chose de valable.
Vous savez... il y a des fois où ça me flanque une peur terrible, je... je... je n'ose même plus sortir de chez moi, tellement je suis assuré ! Quand je suis libre (je suis très souvent libre), je préfère rester chez moi, tellement j'ai peur, comme maintenant, comment vous expliquer ? C'est une oppression, un cauchemar, j'ai une peur dingue de cette sécurité, c'est comme une claustrophobie, une psychose de l'emploi stable - surtout comme contrebassiste.
...Mozart. comparé à des centaines de ses contemporains aujourd'hui oubliés...il n,a pas inventé le fil à couper le beurre. (p.63)
Parce que jouer de la contrebasse, c'est une pure et simple affaire de force, àa n'a foncièrement rien à voir avec la musique.