Reyn Volume 1: Warden of Fate

Il s'agit du premier tome d'une nouvelle série, indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2015, écrits par Kel Symons, dessinés et encrés par Nate Stockman, avec une mise en couleurs de Paul Little.

Sur une planète non identifiée (peut-être la Terre, ou pas), dans une civilisation de type médiévale, un millier d'années après le grand cataclysme, une énorme bestiole de type arachnoïde sort de terre et s'en prend à un pauvre fermier en train de labourer son champ. Heureusement un preux chevalier (Reyn), tout de noir vêtu, passait par là. Une fois qu'il a occis le monstre, il est invité à partager le repas de la famille, et la fille de la maison s'offre à lui pour la nuit.

Néanmoins, le lendemain, Reyn poursuit son chemin jusqu' à la ville de Ledwain. Attablé au troquet du coin, il semble se parler tout seul, lorsqu'il se retrouve mêlé à une rixe avec Seph une sorcière, contre les autorités locales. Leur fuite va les emmener vers des découvertes inimaginables.

C'est absolument impensable : depuis le début des années 2010, le nombre de séries publiées par l'éditeur Image Comics a fortement augmenté, et, fait plus remarquable encore, ces séries s'aventurent dans tous les genres et sous-genres littéraires, se tenant à l'écart des superhéros. Dès le premier épisode, cette série s'inscrit dans le genre "Fantasy", avec un chevalier, un monde médiéval, des gros monstres pas beaux, et un soupçon de magie.

C'est un pari un peu risqué pour un auteur de faire de la "Fantasy" surtout en comics, car rapidement ce genre de comics peut dériver vers une structure en enchaînement de quêtes, avec objet magique ou récompense à la clef, et des combats contre le monstre du mois Ici, il y a des différences avec ce schéma dès le départ. Reyn parle tout seul à haute voix, Seph et lui ne forment pas une équipe tout de suite. Il y a une sorte d'espèce de monstres anthropomorphes dotés de conscience qui semblent manipuler les humains dans les coulisses. L'épisode 3 apporte une information supplémentaire sur l'existence d'une technologie avant le grand cataclysme. Cette information change la tonalité de la série, et il y a d'autres surprises de taille par la suite.

Kel Symons construit sa narration sur l'intrigue : il s'agit avant tout de présenter ce monde original, plus que de développer la personnalité des protagonistes. le scénariste évite de s'enferrer dans les clichés de la Fantasy, et le récit avance assez rapidement pour ne pas s'enliser dans les stéréotypes. Ainsi le lecteur est emmené dans ce monde surprenant, à la suite de personnages assez originaux pour qu'il puisse s'intéresser à ce qui leur arrive, mais guère plus. L'originalité du scénario suffit à conserver l'attention du lecteur.

De la même manière, Nate Stockman donne assez de consistance et d'originalité aux endroits et aux personnages, pour élever l'histoire au-dessus d'une production de masse générique. L'exploitation dans la première séquence est agencée de manière fonctionnelle, le bâtiment ressemble à une vraie ferme. Par contre, le dessinateur ne rentre pas dans le menu détail de la construction proprement dite. L'assemblage de planches et de poutres de la ferme reste un habillage de surface, sans réel sens de la construction. le château du Baron Allwyn présente une apparence extérieure sortant de l'imagerie générique du château médiéval, plus originale, tout en étant plus réaliste.

Dans le même genre, le village de Seph est parfaitement intégré dans son environnement, avec un réel investissement du dessinateur pour réfléchir à son aménagement. Les intérieurs restent un peu meublés à la va-vite. Lorsque Reyn se retrouve à exécuter des travaux forcés, il doit pousser un chariot pour le minerai. Là encore, Stockman a regardé à quoi ressemble ces wagonnets pour les représenter de manière à ce qu'ils soient fonctionnels, par contre le lecteur ne voit pas la nature des matériaux, le dessinateur n'allant pas jusqu'à ce niveau de représentation.

Les personnages bénéficient d'une conception graphique qui leur apporte une apparence spécifique. Nate Stockman a également réfléchi à une logique et une cohérence sur les vêtements disponibles dans cette civilisation (par exemple les plaques de protection). Par la suite, le lecteur croise des individus qui appartiennent à des catégories professionnelles spécifiques, et le dessinateur leur a confectionné des écussons avec logo permettant d'identifier leur métier d'un coup d'oeil.

En termes de narration visuelle, Stockman ne compose pas de planches sur lesquelles le lecteur s'arrête pour le plaisir, ni d'images avec pose iconique, ou déchaînement de force. Par contre, avec un peu de recul, le lecteur constate qu'il n'y a pas beaucoup de cases avec des têtes en train de parler, de cases sans arrière-plan, ou de scène statique. Sans être un dessinateur qui en met plein la vue, cet artiste fait montre d'une solide compétence narrative et de metteur en scène.

Décidément, les éditeurs d'Image Comics font bien leur boulot. En tentant la lecture d'une nouvelle série de cet éditeur, il est très rare de tomber sur un truc à moitié fait. Ce premier tome de "Reyn" constitue un récit bien abouti, un récit de Fantasy original (ce qui n'est déjà pas si facile que ça), des héros qui dépassent les simples clichés, et un monde visuel assez inattendu. le scénariste et le dessinateur ont un bon niveau professionnel et l'intrigue accroche l'intérêt du lecteur. 4 étoiles, et l'envie de connaître la suite.