Quelle joie d'avoir découvert ce livre grâce aux chroniques enthousiastes de
Jean-François Lemoine, Bidule62 et Agape92 ! Merci à eux et Babelio !
Ce roman fleuve nous raconte l'histoire, dans la Hongrie des années 1920, de l'enfance de Béla, enfant non désiré d'une pauvre paysanne adolescente, qui l'abandonne au village à la garde d'une ancienne prostituée reconvertie dans l'éducation et l'hébergement d'enfants bâtards, et ce n'est pas par charité. Béla se sortira de ces quatorze premières très rudes années de sa vie sans mère, sans père, grâce à sa fougue, sa morgue et son envie d'apprendre. Il y aura aussi quelques belles rencontres qui lui donneront le courage et la force de grandir dans cette vie de cul-terreux méprisé et solitaire, malgré les souffrances infligées par le manque d'amour, la famine et le dénuement.
J'ai été étourdie par les horribles aventures vécues par cet enfant littéralement livré à lui-même, qui finit par rejoindre sa mère à Budapest où elle vit chichement en tant que laveuse de linge. Il trouve un emploi dans la capitale hongroise en tant que groom dans un hôtel de luxe où, ébahi, il va côtoyer l'opulence et la désinvolture des riches clients qui ont plus de considération pour leur chien que pour les petites gens à leur service à l'hôtel.
Nous sommes dans l'entre-deux-guerres, dans un parfum scandaleux de lutte des classes ; le national-socialisme et le fascisme, mais aussi le communisme, sont en pleine ascension ; le gouffre entre les pauvres, les prolétaires et les bourgeois, les riches n'a jamais été aussi vertigineux. On sent que ça va craquer même si la peur de perdre le peu qu'ils ont empêche les pauvres de bouger…et Béla, et sa mère se débattent pour vivre dans cette atmosphère au bord de l'implosion.
C'est un roman sur une enfance qui n'en est pas une, sur une adolescence soucieuse, misérable, sur une forte personnalité pugnace et culottée qui se forge dans le sang et les larmes. Mais c'est aussi le roman d'un amour qui naît et évolue entre un fils et sa mère réunis dans l'indigence, la peur du lendemain, et la volonté de s'accrocher à la vie malgré tout. « Aujourd'hui, ce petit garçon obstiné, dont l'enfance solitaire avait engourdi tout sentiment filial, clamait par la bouche du grand gaillard de dix-sept ans : "Maman ! Maman !". »
Des moments d'humour, de tendresse et de lumière rendent la lecture supportable, et c'est heureux car c'est un roman qui vaut la peine d'être lu, même s'il est d'une dureté implacable, même s'il nous fait rugir d'indignation, même si on est très éloigné de la musicalité du beau Danube bleu…
Ces quelques lignes ne suffisent pas à rendre compte des sentiments qui m'ont traversée au cours de ma lecture. Je ne vais pas m'étendre sur la grande galerie de personnages attachants ou détestables dont l'auteur tire le portrait, ils s'intègrent parfaitement dans cet hallucinant roman dont je vous conseille la lecture.