La disparition en 1924 des britanniques George Mallory et Andrew Irvine dans l'Himalaya demeure l'un des plus célèbres mystères de l'alpinisme. Avaient-ils réussi à atteindre le toit du monde ?
Le cinquième et dernier tome de la formidable saga de
Jirô Taniguchi et
Baku Yumemakura autour de l'alpinisme japonais et de la quête de l'appareil photo de Mallory ne répond pas directement à cette question, ce n'est d'ailleurs qu'un prétexte, car le plus important n'est pas là.
C'est d'abord une histoire d'hommes et de femmes exceptionnels dont les destins vont se croiser au Japon et dans l'Himalaya suscitant notre plus grande émotion.
L'auteur,
Baku Yumemakura, a d'ailleurs été récompensé pour le Sommet des dieux en 1997 par le prix Rentarô Shibata. Il est devenu l'un des écrivains les plus sollicités par les éditeurs de mangas et tient lui-même à choisir les dessinateurs qui adapteront ses romans. C'est donc sans surprise qu'il a fait confiance à
Jirô Taniguchi dont l'oeuvre est prestigieuse ; on reconnaitra le doigté du maître à travers la précision clinique de ses dessins, l'imbrication des phases temporelles, la tendresse et la minéralité avec laquelle la nature et montagne sont imagées, représentées tantôt comme une terre nourricière à la beauté farouche, tantôt comme une déesse en colère qui écraserait volontiers ces moustiques qui tentent de pénétrer son domaine.
Le rendu des marches d'approche ou des situations en montagne, des bivouacs, des pas d'escalade ou des longueurs en alpinisme dans le rocher ou sur cascades de glace est exceptionnel. On se retrouve totalement immergé dans les différentes progressions et ascensions et l'on vit intensément les moments de doute ou d'euphorie en compagnie de ces héros.
Les impressions de profondeurs et de vertige sont fortes, pour ne pas dire d'exception.
A la fin du tome 4, Habu expliquait à Fukamachi comment il comptait sortir de la barre rocheuse sous la pointe sommitale de l'Everest en passant par le goulet neigeux, empruntant le col sud, puis le sommet sud, ensuite le ressaut Hillary et enfin le sommet, ce qui lui assurait de plus grandes chances de survie.
Fukamachi lui faisait alors remarquer qu'il allait atteindre le sommet par la voie Normale ce qui n'était pas ses intentions au départ…
Qu'en sera-t-il ?
Le tome 5 revient sur le sens que l'on donne à sa vie, les hommes, les femmes que l'on croise, que l'on rencontre de façon plus intime, des passions que l'on nourrit et qui parfois nous dévorent. L'histoire que raconte le Sommet des dieux est spectrale, glaçante mais digne.
Il existe une infinité de façon de vivre sa vie, mais au final, on aura choisi qu'une seule route.
C'est une oeuvre spectaculaire, philosophique, humaniste devrait plaire à tous les amoureux du dessin, du genre humain et de la montagne.