Chacun piochait dans le réservoir universel d'images. Le monstre individuel était mort. La passion personnelle, le chagrin intime, morts. La colère était une icône. Le bonheur, une icône. La souffrance , une image. L'amour une image. Le sexe, un organe. Le futur, une matrice. Si vous pouviez l'imaginer, le sentir, on vous le montrait -en plusieurs couleurs, sous tous les angles- sans les efforts du verbe. Même Dieu pour finir, se trouverait rétréci. Pas plus grand que l'écran. Pas plus dense qu'un pixel. (p.18)
Un couteau est un bel objet. Il n’est pas fait pour tuer. Pour ça, il y a le pistolet. Le couteau sert à effrayer, à semer la terreur dans la mémoire de ton adversaire. Le couteau est un instrument d’orfèvre, le pistolet un ustensile de quincailler. Une balle ne te donnera jamais la finesse, la précision d’une lame. Avec un couteau, tu peux décider de la punition exacte que tu veux infliger. Faire une incision de douze centimètres de long, un trou de cinq centimètres de profondeur, trancher la moitié d’un doigt, épointer le nez, sectionner la langue en deux, couper un testicule en rondelles, agrandir la taille d’un trou du cul, effiler les oreilles, dessiner une fleur sur un torse, une étoile sur une joue. Tu peux réaliser toutes ces jolies choses. Si les circonstances l’exigent, tu peux aussi sortir les entrailles, découper le coeur, planter un drapeau dans la cervelle. Avec un pistolet, une seule chose est possible : un trou dans la peau. Les tueurs utilisent une arme à feu. Les artistes préfèrent l’arme blanche.
Un thé c'est de l'amitié, deux thé c'est de l'intimité.
Trouve le fil le plus solide et couds solidement tes lèvres. Parler peut dérouter l'ennemi, mais le silence le confond davantage. Laisse l'adversaire lancer toutes ses flèches, et deviner si ton carquois est plein ou vide.
"Un peu de lait dans l'eau vaut mieux que pas de lait du tout. Dans les pauvres masures, on met deux cuillers de lait dans un verre d'eau et l'enfant boit avec bonheur. Nous sommes un pays pauvre et il faut se nourrir d'illusions quand le lait fait défaut." (Buchet/Chastel - p.45)
"Cependant, ils connaissaient le secret, la vérité de la solution. Elle était faite pour blanchir et effacer. Pour nettoyer les tâches sombres de l'esprit. Pour recouvrir la souffrance de la mémoire, corriger la douleur lancinante de l'émotion. Elle ne servait pas seulement à effacer le papier, mais le monde entier. Tout. Le bruit, la puanteur, le fer, l'urine, la merde, les policiers, la nourriture rance, les haillons, les croûtes, les déchets, les déchets, les déchets. Tout." (Buchet/Chastel - p.310)
"Des hommes opiniâtres avaient départagé la terre sans se soucier des artères de l'amour, de la famille, de la communauté, de l'Histoire, des animaux ni des arbres qu'ils mutilaient. Et l'on apprenait que le sang commençait à couler partout des veines sectionnées." (Buchet/Chastel - p.201)