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Critique de Malaura


Une ville grise de Normandie…
Par une nuit pluvieuse, une femme quitte son HLM et pénètre dans un commissariat.
Gilles Pontoise, le flic de garde, la voit débarquer dans son bureau.
Elle vient se constituer prisonnière pour le meurtre de son mari, survenu dix ans plus tôt, alors que la police avait conclu à un suicide.
A minuit, son crime sera prescrit.
Rongée de remords la femme veut être arrêtée. Mais Pontoise s'y refuse catégoriquement car le mari était un salaud, un rustre de la pire espèce qui battait sa femme.
Toute la nuit, il tente de la dissuader…

Avec son style rentre dedans, Jean Teulé fait de cet épisode tiré d'une histoire vraie, un face-à-face intense et intrigant où s'affrontent deux solitudes, deux laissés pour-compte au bout du rouleau.
Entre le commissaire plus voyou que flic, drogué et las, et la femme pleine de remords, droite et vertueuse, plane une incompréhension qui, crescendo, se mue en violence.
Chacun campant sur ses positions, le huis clos au départ informel devient oppressant, enfle, déborde de brutalité jusqu'à ce que l'un des deux, au petit jour, baisse enfin les armes.

L'unité de lieu : le commissariat, la nuit ; l'unité de temps : la longue nuit de confrontation entre les deux personnages ; le côté exacerbé de ce duel éprouvant entre deux consciences qui ne cessent de récuser les arguments de l'autre en refusant de s'avouer vaincu…
D'emblée l'on pense au film de Claude Miller, « Garde à vue », magnifique face à face entre un Lino Ventura en flic intransigeant et un Michel Serreau en suspect ambigu.
Si le rapprochement s'arrête là, l'aspect cinématographique ou théâtral dans le roman de Jean Teulé est bien présent et l'on n'a aucun mal à imaginer ce huis-clos troublant interprété sur une scène de théâtre, devant un lecteur/spectateur se faisant le témoin d'un affrontement qui, au fil des heures, va passer de la civilité à la grossièreté, du conseil ami à l'avertissement menaçant, de la patience à la violence et de la révolte à la capitulation.
Excès, débordements, outrances…une situation qui devient paroxystique, quelquefois même hallucinée et que Teulé, avec sa faconde colorée et son verbe haut, apaise parfois d'un trait d'humour noir et cru, pour mieux nous replonger la tête sous l'eau à la scène suivante.

« Il est Monsieur, des amours sans douceur », dit la femme à Pontoise…l'auteur de « Darling » ou plus récemment de « Charly IX » le prouve encore une fois en malmenant un lecteur qui, même s'il se trouve quelquefois au bord de la nausée, même s'il se laisse aller parfois à des interjections exprimant dégoût, offuscation ou effarement, au final en redemande…
Champ gravitationnel où la misère sociale et la violence ordinaire soumettent les êtres à une irrémédiable chute comme les lois de la pesanteur régissant l'univers, ce bref roman qui se lit avec empressement ne possède toutefois pas la même force d'attraction qu'un « Je, François Villon » ou qu'un « Montespan ».
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