AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782491657017
156 pages
Editions Nouvelle Marge (20/05/2021)
5/5   5 notes
Résumé :
Il lui semblait que l’aube lui était douce autrefois. Elle ne symbolisait pas juste le retour du soleil, mais une faveur de Dieu. Cependant, cela faisait bien longtemps que l’aube pour lui n’était plus séparable de l’odeur de javel et du formol vaporisé au moment de la désinfection des corps. L’aube, les rayons blancs des salles pleines de morts, et ces cadavres étiquetés qu’on faisait glisser dans de longs casiers, ces étrangers qui auraient pu être ses frères et s... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La génération sans liens

Ce bref roman au souffle poétique nous plonge dans le vide métaphysique de deux jeunes parisiens : Gabriel et Marion, entre fuite permanente, insensibilité, fragilité et goût à rien.

« 𝐼𝑙 𝑝𝑟𝑒́𝑓𝑒́𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑒𝑟 𝑠𝑒𝑢𝑙, 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑠𝑜𝑛 ℎ𝑎𝑣𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑜𝑚𝑚𝑒𝑖𝑙 𝑒𝑡 𝑑'𝑜𝑢𝑏𝑙𝑖. »

Gabriel est fermé à tout, insensible et sans attaches (ni famille, ni amis véritables), sa vie passe comme les trains qu'il regarde depuis la fenêtre de son appartement impersonnel, où s'écoule l'essentiel de son temps. Des femmes vont et viennent dans sa vie, sans qu'il puisse les retenir, peut-être par manque de volonté, peut-être parce qu'elles aussi en sont incapables.

Il vit entouré par la mort : depuis quelques années, il travaille à l'Institut médico-légal, en tant que médecin légiste. Il étudie des planches anatomiques chez lui et chaque matin est indissociable de l'odeur de javel et de formol dont les cadavres sont recouverts.

« 𝐼𝑙 𝑛𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑦𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒, 𝑖𝑙 𝑛'𝑦 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑐𝑟𝑢. 𝐿𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑜𝑠𝑒𝑠 𝑛'𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑟𝑒𝑙𝑖𝑒́𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠, 𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠 𝑓𝑙𝑜𝑡𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑓𝑓𝑒́𝑟𝑒𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑠𝑢𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒 𝑑𝑢 𝑟𝑒́𝑒𝑙 𝑒𝑡 𝑖𝑙 𝑙𝑢𝑖 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑡𝑟𝑒𝑖𝑛𝑑𝑟𝑒 »

Chaque jour il effectue les mêmes déplacements, les mêmes marches dans la ville. Il rencontre Marion au cours d'une de ses errances dans Paris. Etudiante puis intermittente dans le cinéma, elle passe sa vie dans d'innombrables fêtes sans joie. Débris du milieu du cinéma fait de vacuité et d'égoïsme, elle écume les soirées dans un état second, portée par l'héroïne qu'elle consomme pour tenir. Solitaire et entourée d'amis qui n'en sont pas, elle est moins concernée par son bien-être que par son monde superficiel où la drogue tient la première place.

« 𝐶ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑓𝑜𝑖𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑀𝑎𝑟𝑖𝑜𝑛 𝑟𝑒𝑣𝑒𝑛𝑎𝑖𝑡 𝑎𝑢 𝑟𝑒́𝑒𝑙, 𝑙𝑒 𝑣𝑖𝑑𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑠'𝑜𝑢𝑣𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑑𝑒𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑙𝑎 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑖𝑓𝑖𝑎𝑖𝑡 [--] 𝑒𝑡 𝑐ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑓𝑜𝑖𝑠 𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑒́𝑝𝑟𝑜𝑢𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑙𝑒 𝑏𝑒𝑠𝑜𝑖𝑛 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑝𝑟𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑟𝑜𝑔𝑢𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑦 𝑒́𝑐ℎ𝑎𝑝𝑝𝑒𝑟. »

Les deux personnages dérivent et dans cette fuite immobile une amitié se noue. Nous suivons ces deux inadaptés, dans leur parcours d'enfants tristes et leur vide métaphysique qu'ils essaieront de combler. Ils s'égarent ensemble dans Paris, âmes urbaines en errance, environnés par le néant. La ville-monde est l'endroit parfait pour se cacher de l'humanité. Gabriel essaiera d'aider Marion, de la sauver de ses addictions et de son autodestruction, autant pour elle que pour lui.

Roman sensible qui aborde la modernité finissante et une génération sans idéaux ni but, 𝑪𝒆𝒖𝒙 𝒒𝒖𝒊 𝒗𝒐𝒖𝒅𝒓𝒂𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒇𝒖𝒊𝒓 tentent de sortir de leur solitude, y parviendront-ils ?

Ce premier roman réussi de Julien Teyssandier - Auteur est édité par les Editions Nouvelle Marge.
Lien : https://www.facebook.com/pho..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Marion regardait parfois le ciel, et ce qu’elle voyait du ciel ressemblait à sa vie : ces linéaments incertains qui s’effilochaient dans l’espace, c’étaient autant de moments qui s’accumulaient sans que rien ne vienne leur donner une forme véritable. Ces nuages qui filaient vers on ne sait où en se déchirant, c’était une écriture qui se noyait dans le blanc après l’avoir parcouru pendant quelques lignes. Des mots qui devaient dire une aspiration, un désir profond, toutes sortes de sentiments qui avaient besoin d’être clairement identifiés pour être autre chose que des mirages, pour s’incarner à travers quelque chose de sensoriel, de physique, pour lever l’inhibition qui la glaçait depuis des années.
Il lui fallait vivre, tout simplement. Mais elle en était incapable.
Tout ce qui chez Marion demandait une incarnation restait sans écho, les traits de son caractère fuyaient, les possibles perspectives qui s’offraient à elle s’éloignaient à vitesse grand V. Rien n’était fixé. Elle était sans visage. Et plus elle courait vers une sorte d’impersonnalité, moins elle se sentait exister.
Commenter  J’apprécie          11
Le soleil tombait sur la ville. Il y avait très peu de monde dans les rues. Tout semblait flotter dans un calme étrange. Les maisons aux volets colorés, les balcons qui étaient des lieux privilégiés pour suivre l’évolution du jour mais avaient tous été abandonnés. Du point où il était parvenu, Gabriel observa la perspective légèrement déformée par la brume à l’horizon. On aurait dit que la ville était recouverte d’un film plastique. Comment défaire ce film ? Comment trouer le ciel pour qu’un peu d’air circule enfin ? C’était impossible, il le savait. Et pourtant, les réponses à ces questions ne se trouvaient pas ailleurs qu’en lui-même.
Commenter  J’apprécie          10
Et ce n’était que maintenant, près de ce lac où se formaient des masses de brume chaude et hors des eaux duquel des poissons sautaient parfois, déclenchant à la surface des ondes légères qui venaient mourir sur ses bords, qu’il ressentait une certaine bienveillance envers ceux qu’il avait connus. Gabriel sentait bien qu’il n’y avait plus de schéma directeur dans sa vie et qu’il échappait à la cartographie des situations de vie envisageables qu’il avait peu à peu élaborée avec le temps ; l’évidente neutralité des jours laissait place à une sorte de fugue qui devait le mener ailleurs, et il trouvait un certain réconfort à ne plus être une suite de gestes prévisibles dans un environnement cellulaire. Il lui était indifférent désormais d’atteindre sa destination. Son esprit renouait avec un esprit d’initiative qu’il pensait oublié. Il pouvait se perdre dans la forêt, en sortir, connaître des éveils dans l’odeur d’écorce des arbres, se baigner dans le lac puis sécher au soleil, dormir sous les étoiles. Il n’était plus insensible à cette sourde innocence qui flotte dans la série indéfinie des jours. Il n’avait jamais eu d’appartenance ; et cette fois il se sentait envahi par une douceur qu’il n’expliquait pas et dont l’origine lui serait probablement toujours mystérieuse.
Commenter  J’apprécie          00
Ce qui échappait aux antispécistes, d’après Gabriel, c’était précisément la faiblesse de l’être humain face à la nature depuis qu’il avait adapté le monde à ses besoins. Il était persuadé que les hommes, à force de posséder un empire sur eux-mêmes, s’étaient éloignés de l’état de nature, et que leur capacité à reconstituer de nouveaux équilibres sur les ruines d’un monde autrefois lié à la civilisation et un jour possiblement détruit serait très faible. Et cette faiblesse serait amplifiée par la facilité avec laquelle les animaux s’adapteraient à leur nouvel environnement. Ces derniers pourraient ainsi, dans le cas d’une catastrophe nucléaire de grande ampleur, reprendre possession des lieux qui avaient été érigés par l’homme. Gabriel voyait bien des herbes gigantesques bouffer peu à peu d’anciens complexes industriels laissés à l’abandon, et il ressentait une sorte d’ironie légère à imaginer la persistance d’animaux de toutes les espèces dans un univers où les humains auraient pratiquement disparu et où les reflets de leur domination passée ne seraient plus que des signes indéchiffrables, sans regret ni désir pour les interpréter.
Commenter  J’apprécie          00
Gabriel voyait la nuit, cette nuit sans étoiles, sans présences, qui n’avait jamais porté le jour. Il savait qu’il devait continuer à s’y enfoncer. Toujours plus loin. Dans ce qui n’a jamais été et ne sera jamais. La faiblesse serait de succomber, comme il l’avait fait tant de fois, au penchant fataliste du recommencement. Partir au cœur de cette nuit, se laisser dévorer par elle, c’était rompre. C’était refuser de mourir. La force, pour une fois, c’était d’abdiquer. Et pourtant, en dépit de cette vérité, il faisait tout pour rejoindre Marion.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : absurdeVoir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20239 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}