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EAN : 9782363711762
256 pages
Pierre-Guillaume de Roux (12/01/2017)
4.07/5   7 notes
Résumé :
J'étais arrivé à Tallinn par la mer Baltique, alors que je venais de passer quelques jours à Helsinki, dans l'ancienne baie du quartier de Kluuvi, rêvant déjà le bleu de l'Estonie, soufflant sur les quelques images qui me restaient de la Finlande comme pour les éloigner et ainsi déployer mon corps sans mémoire dans un nouveau lieu, qui m'apparaîtrait au bout d'une traversée de deux heures en ferry, dans l'outremer pâle, comme une projection, animée par le soleil nai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Aline, c'est d'abord une chanson de 1975 de Christophe :

« J'avais dessiné sur le sable
Son doux visage qui me souriait
Puis il a plu sur cette plage
Dans cet orage, elle a disparu
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine
Je me suis assis près de son âme
Mais la belle dame s'était enfuie
Je l'ai cherchée sans plus y croire
Et sans un espoir, pour me guider
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine
Je n'ai gardé que ce doux visage
Comme une épave sur le sable mouillé
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine »

Alina (Aline), c'est ensuite la jeune fille à laquelle le compositeur estonien Arvo Pärt dédiera en 1976 une oeuvre majeure composée pour piano, « Für Alina ». Cette oeuvre est majeure car elle introduit le style tintinnabuli - qui vient des cloches et clochettes, les tintinnabules, que les Romains mettaient à l'entrée de leurs demeures et que l'on retrouve dans la liturgie catholique - créé par Arvo Pärt et développé également dans deux autres pièces, «  Fratres « (1977), et «  Spiegel im Spiegel « (1978) - le tout sera regroupé sous l'album « Alina ».

Dans le premier livre de Julien Teyssandier, musicien de formation et critique littéraire, il n'est pas question de la « Aline » de Christophe mais d'une autre femme Jaanika, une estionnenne avec laquelle l'auteur vit une relation amoureuse. Il est aussi question du « bleu de Tallinn », de la Baltique, de la « Curieuse Estonie qui n'appartient ni à la Russie depuis que l'empire soviétique est mort, ni aux pays baltes en raison de sa langue finno-ougrienne » (p. 45) et surtout d'Arvo Pärt. de sa musique d'Arvo Pärt, le minimalisme et le (style) tintinnabuli, de ses difficultés avec le régime à l'époque du communisme, de son exil - auquel Pärt et sa famille devront se résoudre en 1980 et qui les mèneront en Autriche.


Julien Teyssandier écrit «  L'oeuvre d'Arvo Pärt, en dépit de son unité, n'est pas linéaire. Elle est faite de ruptures, de reprises, de variations. Un peu comme ce que j'écris sur lui » (p. 185) Son livre n'est pas une biographie, ni un livre académique sur la musique d'Arvo Pärt - voir le livre que Leopold Brauneiss et Enzo Restagno lui consacre pour cela - mais davantage une réflexion sur la musique du compositeur estonien, sur ce qu'elle suggère et provoque sur l'auditeur et également sur la création - « La musique d'Arvo Pärt m'a révélé ce que devrait être la création - une forme d'oubli de soi que je croyais avoir pratiqué jusque-là mais qui m'était en fait inaccessible, comme le prouve mon exil estonien, mes cahiers sans la moindre ligne romanesque » (p. 225).

Très beau (premier) livre* - quelques formules résonnent comme des aphorismes : « On ne peut pas écouter n'importe quoi après un morceau d'Arvo Pärt. Souvent je n'écoute rien. (p. 147) », « Les choses deviennent floues de ne pas avoir été écrites. » (p. 217), « La musique, il ne faut pas l'oublier, est un art du perdu. » (p. 216) -, sur la musique en général et d'autres arts, sur Arvo Pärt, sur l'Estonie, sur l'exil - il est aussi une espèce d'exil estonien pour l'auteur parti en Estonie pour écrire un livre qui se refuse à lui -, le livre de Julien Teyssandier est à lire en écoutant quelques pièces de Pärt ou en silence - ce qui est également du Pärt : « Il y a, chez Arvo Pärt comme chez Tarkovski, la même fascination pour le silence, le même besoin de partir des choses écrites avant soi. »

* Il a été récompensé du prix Pelléas* qui est attribué à « l'ouvrage sur la musique aux plus belles qualités littéraires ». Entre autres, le pianiste de jazz Laurent de Wilde et l'écrivain Benoît Duteurtre en ont été les (deux premiers) lauréats.
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Le livre ne se veut pas une critique musicale, avec la rigueur qu'on attend d'un spécialiste, ni l'analyse de la vision musicale d'Arvo Part, mais plutôt un témoignage intime du rapport que l'auteur entretien avec cette musique, raconté à travers son exile temporaire en Estonie. Un regard sur Tallinn avec son ciel bleu, qui renvoie toujours à la chromatique du silence dans la musique d'Arvo Part, telle qu'elle est vue par l'ecrivain.

Il suffit d'avoir écouté seulement quelques compositions d'Arvo pour concorder à l'emotion et au bouleversement qui transparaissent du livre. Mais très souvent, on ne connait que l'Arvo du silence et du chant grégorien ramené dans la contemporanéité. Ce livre a le don de nous dévoiler cet Arvo de la dodécaphonie, avec des réferences précieuses comme Perpetuum mobile ou Pro et Contra et des influences de Luigi Nono ou Luciano Berio. On découvre ainsi que la transition (inconsciente à cette epoque-là) vers son nouveau style se produit avec la Symphonie numéro 3 et la rupture totale avec Für Alina.

Malgré certaines descriptions un peu lourdes dans leur lyrisme et des références artistiques qui peuvent parfois lasser (l'auteur tente même de se justifier), le livre réussit à dresser le portrait d'une musique qui se sert du silence et qui morcelle le temps pour le reconfigurer.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Curieuse Estonie qui n'appartient ni à la Russie depuis que l'empire soviétique est mort, ni aux pays baltes en raison de sa langue finno-ougrienne.
Un pays dont j'ai cherché à épuiser le bleu comme on voudrait épuiser le matin de la terre. Un pays encore vivant, malgré le métissage qu'il a subi au cours du siècle dernier. Un pays où, à l'époque communiste, en dépit des menaces et des répressions qui s'abattaient sur les artistes suspectés de "formalisme", Arvo Pärt a pu s'exercer à la composition, mener dans une relative tranquillité ses recherches musicales avec Heino Eller, tendre vers un modèle occidental jugé décadent, dont le mélodrame Pierrot lunaire de Schönberg et l'opéra Wozzeck d'Alban Berg - déjà censuré par les nazis en raison de son antimilitarisme - ont jeté les premières pierres.
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Arvo Pärt quitte donc son pays d'un bleu hiémal qui aurait trop frayé avec la nuit et qu'il se refuse à voir comme une simple annexe de la Russie soviétique. Un pays, où à force de métissage, les Estoniens risquent de devenir minoritaires ; un pays où règne en maître le dieu Athée - bien évidemment socialiste.
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On aime tous, à un moment ou l'autre de notre vie, fuguer ; soit pour quitter le chagrin, soit pour aller vers une solitude encore plus grande.
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On ne peut pas comprendre la musique d'Arvo Pärt sans évoquer sa foi orthodoxe. Cette remarque vaut bien évidemment pour de nombreux autres compositeurs. S'il n'avait pas été un luthérien sincère, Johan Sebastian Bach aurait renoncé à écrire autant de cantates ; et Messiaen, sans la passion du Christ, n'aurait été qu'un vague collectionneur d'oiseaux. (p. 125)
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Elle était devenue une fiction, reposant dans les langues mêlées de l'enfance comme des fleuves mêlant leurs bleus jusqu'à la musique rêvée, immémoriale et lumineuse d'Arvo Pärt, celle qui nous berçait lorsqu'on se balançait dans la ville berçante de Tallinn, l'été, dans la nuit estonienne, au bord de la mer où on venait attendre parfois le Rosella, en pleine traversée du golfe de Finlande et flottant comme un rêve, avec son nom étrange qui nous donnait l'illusion du romanesque, le saluant par nos regards comme je la saluai, elle, l'Estonienne, le soir de mon départ, l'été, au bord de la mer, croyant voir en elle, à mesure que le ferry quittait la terre, le fantôme d'une petite fille qui ressemblait à s'y méprendre à Alina.
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