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Citations sur L'enfant roman (14)

" Ouvre tes ailes, Clara. Ose déployer au grand vent serein tes ailes de fée. L'air chargé d'embruns, de prairies, de rivières, les senteurs du miel et de la forêt, l'air multiple venu de toujours et partout sera ton manteau d'azur, défroissera les voiles. Marche ta route, Clara, pose au son de la Terre les pas de tes pieds nus, sable clair des rivages, mousse douce des sous-bois, terre lourde des sentiers. L'univers accueille tes pas, les guide et les soutient.
Ecoute ton cœur, Clara, tu connais son langage, tu en es l'interprète, traduisant à chacun, sous ton double regard, les harmonies subtiles des mondes inconnus, des mondes à inventer, de la confiance nue.

Vis ta vie, Clara ! "
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Elle se souvient aussi avec émerveillement d'avoir appris à lire, de la féérie des signes noirs qui prenaient vie dans la bouche, les formules magiques révélant leur pouvoir le long des lignes. Les dessins colorés illustrant son livre de lecture se complétaient peu à peu, s'étoffaient de mots qui racontaient des histoires, qui parlaient une autre langue que celle de l'image. Ils gambadaient, se cachaient ou se dévoilaient pour modifier le message comme autant de variations musicales.
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Le malheur donne le droit, donne accès au bizarre, à la frontière de la folie. Le malheur apitoie les excuses. Dédouane l'esprit en désordre.
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Elle sait que chaque pas sur terre a un sens, chaque instant est un acte que l'on pose. Choix de vivre, de continuer à soulever les gravats et les poussières des jours pour réussir à se lever chaque matin. Choix de survivre, de grimper en rappel le long des parois de glace, de ne pas se lâcher dans le vide du précipice malgré la tentation si forte et si vive. Le labyrinthe. Violette ne sait pas encore qu'il débouche sur la lumière.
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A côté d’elle, l’enfant gémit dans son sommeil, intensifie la douloureuse acuité du réel. Violette garde encore un instant les yeux fermés, soupire. Elle sait à présent. Elle comprend le profond remue-ménage de ces mois de grossesse, ce sabbat de sorcières dans son ventre et son âme. Elle comprend qu’elle savait. De tout temps, elle a su.
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L'enfant pleure dans ses bras. Violette sent bien sa détresse, son indicible angoisse, son appel au secours. Elle ne sait pas comment y répondre. Il y a un cri en elle. Au-dedans de son ventre, ça mord et ça broie. Elle vomit les bons manuels d'allaitement parfait, les livres rose et blanc qui donnent des solutions infaillibles. Elle abhorre les paroles collantes des gens bien intentionnés sur l'instinct maternel. Non, elle n'a pas d'instinct. Elle ne sait pas faire. Elle a peur, elle panique, elle se fige pour éviter à l'effroi de faire le siège de son corps amaigri, pour empêcher cette sournoise inquiétude de la secouer de tremblements incoercibles.
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Rituels du coucher. Violette accompagne ses filles. Se mettre en pyjama en chahutant un peu, se brosser les dents, réclamer enlacements et câlins pour préparer le lit au moelleux de la nuit. Louise est déjà pelotonnée, le pouce dans la bouche, les yeux ensommeillés. Violette l’embrasse délicatement et lui chuchote les mots du soir.
Clara attend son tour. Allongée sous sa couette, sous les baisers que Violette dépose dans son cou, sur ses joues avec des mots tendres et des souhaits de rêves doux, Clara demande : « Triste Mamie ? » Peut-être n’est-ce pas une demande.
Etonnement. Mamie a dit bonsoir paisiblement, en souriant. Violette essaie de savoir, de comprendre. Elle insiste. Invente un jeu de questions. Propose ses mots pour pallier l’absence de ceux de Clara. Etrange dialogue où la mère compense, prête sa parole. Et l’enfant s’en saisit : « Mal, Mamie. »
Violette a conscience que sa belle-mère souffre d’une sournoise maladie qui ronge la joie et l’appétit de vivre. La famille voit peu à peu le mal gagner du terrain. La mère de Baptiste sourit et fait bonne figure, elle lutte à peine, se laisse faire, espère. Et voilà qu’une petite fille déficiente intellectuellement vient dire avec ses pauvres mots que sa grand-mère ne va pas bien.
Violette regarde sa fille, brouillard d’émotion dans les yeux. Elle regarde Clara la claire, Clara qui voit au-delà de ses yeux, au-delà des apparences, et dialogue avec ses mots défaillants dans la langue de l’amour. Elle se sent submergée d’une douceur légère, d’une lueur tranquille venue de l’intérieur. Elle se sent reconnaissante à la vie pour cette enfant « extra-ordinaire ».
Violette pensait élever sa fille et voilà que c’est elle qui l’élève, la fait grandir. Accompagner Clara dans ses chemins de traverse jusqu’à toucher le plus tendre de soi-même, cette zone de stabilité sensible qui ouvre sur l’instant présent. Connaître, l’espace de cet instant, l’évidence de sa place dans l’ordre de l’univers. Clara ralentit la vie de Violette et l’initie à la patience sans attente. Clara ne parle pas et lui enseigne le langage de l’humain et de l’essentiel. Clara la différente apporte à ceux qui la côtoient un autre jour, une autre lumière.
Communication directe, sans les mots, d’âme à âme et de cœur à cœur S’’ouvrir d’emblée à certains et se fermer à d’autres, sentir l’être sous le masque. Lorsque Violette accepte de baisser les armes, d’accueillir sans certitude le monde Clara, elle apprend. Et elle remercie pour cet éveil.
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Elle accepte. Il lui semble qu’elle accepte l’enfant dans son incomplétude, dans sa déficience. Parfois, elle ressent une imperceptible douceur, une paix légère. Du bonheur ? Elle comprend qu’elle peut regarder son enfant sans se blesser. Juste la regarder. Juste voir son sourire. Elle s’étonne d’être totalement dans l’instant, dans ce sourire partagé autour d’une caresse, d’un geste. Elle se surprend à considérer normalement son enfant. Elle confie à ses toiles le rouge feu, le jaune lumière, l’expansion farouche de la vie, l’élan de joie qu’elle sent croître en elle. Les couleurs de Violette ne mentent pas.
Elle n’en voudrait aucune autre. Au génie de la lampe qui arriverait, Violette ne demanderait pas de transformer miraculeusement Clara en petite fille ordinaire. Elle ne voudrait d’aucune autre enfant que cette enfant-là. Cette enfant de travers. Elle pense parfois qu’elle ne voudrait plus d’une Clara ordinaire. C’est trop tard, ce ne serait plus Clara. Elle ne sait pas encore que ce sont là des moments de grâce. Braises vives sous la cendre, tous les possibles de la vie veillent inlassablement au plus profond.

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Les cris de Clara empalent son cœur. Violette contient sa souffrance, la comprime, la contraint. Elle se veut mère toute-puissante face à la détresse de sa fille. Elle a le devoir d’être forte, de maîtriser. Inconsciemment, elle se protège dans une armure aux couleurs de lutte, de résistance, une armure issue de son éducation. Elle puise dans son orgueil le pouvoir fou de rester debout alors que tout vacille à ses pieds. Elle se doit d’être solide, invulnérable.
Elle tremble d’effroi. Elle sait que l’implosion de sa raison peut la charrier dans la barbarie d’un chaos sans fond. Rien n’existe.
Les pleurs de Clara s’espacent dans des sanglots. Violette se rappelle de respirer. Soupir abyssal. Le bourdon ralentit, se rétracte dans sa poitrine. Debout au milieu de la pièce, elle reprend pied sur le rivage de la réalité. Epuisée par la violence du cyclone.
Baptiste la regarde. Inquiet, hagard. Il la prend prudemment par les épaules, l’emmène poser sa lassitude sur une chaise. Elle s’assied, l’enfant serrée contre elle. Elle sent la brûlure des larmes déborder de ses yeux fermés. Ses échappées ne transforment pas la réalité. Le monde est là et il faut vivre.
Enveloppées de la patience douce de Baptiste, Violette et Clara s’apaisent. Il attend auprès d’elles , il veille. Où va-t-il puise ces forces vives, cette présence qui distille un sentiment de sécurité malgré le poids de sa propre tourmente ? La traversée des ombres éprouve son humanité. Cette longue épreuve d’amour façonne imperceptiblement sa puissance d’homme. Il ne le sait pas encore. Pour l’instant, il fait face, il cherche à rester debout.
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La sidération prend tout l’espace. Leur tombe dessus, les accable. Rien ne bouge plus dans ce monde où, en quelques minutes, on leur annonce, en déclinant quelques réponses, le handicap profond et incontournable de leur enfant.
Non, ils n’ont pas d’autres questions. Ou alors des milliers. Alors, à quoi bon ? Ils sont là, terrassés sur leur siège, l’enfant dans ses bars à elle. Brisés. Ils ne tentent rien, écrasés par le poids des mots qu’ils priaient pour ne pas entendre. Si vous n’avez pas d’autres questions…. La phrase du professeur, éminent spécialiste des maladies qui emprisonnent à jamais une vie, la phrase est épinglée comme un papillon condamné. Il se lève, écarte un peu les bars. Pour indiquer la sortie ? Pour imiter l’étreinte de la compassion ? Il s’approche d’eux sans rien dire, leur signifie la fin du rendez-vous. Baptiste et Violette se lèvent à leur tour, se parent mécaniquement des gestes de l’habitude. Serrer la main, dire au revoir. Dire merci, même. La porte, le couloir, l’ascenseur. Ils se retrouvent seuls dans le silence qui les réunit, les relie à leur propre désorientation. Pourtant, chacun dans sa tête, chacun dans sa peur, chacun est seul.
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