Ce petit roman, petit en nombre de pages, n'en est pas moins grand par son message.
Magali Thuillier évoque la maladie d'Alzheimer, en se gardant bien de nommer cette cochonnerie qui a atteint sa grand-mère et la lui a enlevée.
“
Tu t'en vas” est un roman-témoignage, un roman coup de poing, un cri contre la maladie qui nous enlève avant l'heure ceux que l'on aime.
L'auteure a choisi de s'adresser directement à cette grand-mère sa grand-mère en utilisant le “tu”. En s'adressant à elle, elle lui raconte la maladie, elle lui livre son désarroi. Sa grand-mère aimée n'habite désormais plus son corps, ce corps qui fait n'importe quoi en dépit de toute dignité. « Une étrangère s'est glissé dans ton corps. Elle prend ta voix. Elle vit chez toi. Elle me vouvoie. Je ne lui réponds pas. J'attends que tu reviennes. Reviens”
On notera la double temporalité du roman, le temps présent de la grand-mère “absente” et le temps passé de la grand-mère d'avant, avant la maladie. « Tu t'asseyais dans ton fauteuil. Aussitôt, tu sortais tes aiguilles et ton tricot. Les aiguilles se mettaient à danser à un rythme effréné. Admirative, je te regardais me tricoter un pull pour l'hiver ».
Le style de
Magali Thuillier est fort, pouvant même, peut-être, choquer quand elle crie sa souffrance de voir celle que sa grand-mère était, glisser peu à peu dans une forme de déchéance physique. « Arrête de perdre la mémoire. Arrête de faire n'importe quoi. Arrête de pisser partout. Arrête de parler toute seule. Arrête de faire l'enfant. Arrête ».
C'est une plume qui marque la douleur, la rébellion. C'est une plume qui parle d'amour. Un style très puissant, des phrases courtes, un choix de mots sans fioritures qui m'a été droit au coeur.
Celles et ceux qui ont eu à vivre auprès d'un malade d'Alzheimer comprendront sans doute combien on peut avoir envie d'hurler sa colère. Et quand la mort vient enfin, oui enfin, comme un sommeil réparateur, et bien oui, on a le droit de ressentir du soulagement. Parce qu'enfin, ils nous sont rendus. « Tu t'es endormie. Finies les fantaisies, les bizarreries, les extravagances. Tu es belle. C'est toi, plus que jamais. Toi ». Oh, combien je comprends cela, oh, combien ces mots auraient pu être les miens.
J'ai moi-même vécu cette situation avec ma maman. Ce livre a été un miroir de mes sentiments de l'époque. J'en ai compris le moindre mot même ceux qui n'étaient pas écrits je crois. Ce livre vous prend aux tripes, vous prend au coeur.
Pas De grandes phrases, mais tant d'émotions !
Merci
Magali Thuillier d'avoir pu et su exprimer les sentiments pour tant d'autres personnes.