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Citations sur La nuit rouge (11)

En courant sur la passerelle, qui tremble dangereusement à chacun de leurs pas, Simon et Guillaume se séparent et s'en vont chacun à une extrémité du panneau. Là, ils sortent leurs canettes de leurs poches, lèvent les bras et, d'un geste sûr, commencent à dessiner le contour d'immenses lettres qui s'imbriquent les unes dans les autres, se faufilent en se croisant, en se décroisant, en passant l'une sous l'autre comme si elles dansaient ensemble.
Fébriles, silencieux, les deux gars accomplissent leur oeuvre. Ils s'arrêtent parfois, brassent leurs canettes puis continuent à dessiner avec une extrême précision. Dans le silence de la nuit, on n'entend plus que le sifflement des bonbonnes qui se vident lentement à chaque jet de couleur.


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Fred s’immobilise devant un petit
trou dans la palissade. Il approche son œil
droit, regarde, mais ne voit rien...
Lentement, sa pupille se dilate et s’habitue
à la noirceur des lieux. Des formes apparaissent,
immobiles et silencieuses.
Soudain, dans la lumière furtive d’un
rayon lumineux qui parcourt le ciel, Fred
aperçoit un terrain vague recouvert de
ruines. On dirait une scène après un bombardement.
Quelques pans de murs,
appuyés sur des amoncellement de pierres
et de briques, s’élèvent dans les airs. Des
trous béants laissent voir des fonds de
caves. Il ne manque que des cadavres.
—Et puis? Et puis? demandent
Guillaume et Simon.
—Attendez... Attendez... C’est pas
croyable!
Les faisceaux lumineux qui balaient le
ciel éclairent quelques nuages et renvoient
un peu de lumière bleutée sur ce
décor d’après-guerre. Au bout du terrain
couvert de profondes cicatrices apparaît
un panneau publicitaire. Sa grande surface
n’annonce plus rien. À moitié déchirée,
toute la partie supérieure pend et se
balance dans l’air chaud. Les deux piliers
de métal qui le soutiennent semblent
défier les lois de la gravité.
—C’est ça... C’est ça..., dit Fred en se
tournant vers ses amis.
Les deux autres, excités, se précipitent
à tour de rôle pour voir le décor.
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Fred patiente quelques instants. Des
faisceaux lumineux traversent le ciel.
Tout à coup, la fenêtre s’ouvre. Deux
mains apparaissent. Elles poussent un
gros sac à dos, qui roule en émettant de
curieux cliquetis.
Un gars sort par l’ouverture. Il culbute
sur le ciment, se retourne avec une infinie
précaution et referme la fenêtre. Il s’appelle
Simon. Il a 16 ans. Nom de code: ATAK
21. Son visage rond surmonté d’une
casquette lui donne l’air d’un enfant sorti
d’une boîte à surprise.
Fred et Simon se regardent. Une étincelle
jaillit du regard de chacun. Simon
murmure:
—J’ai toutes les munitions qu’il
faut...
—Moi aussi. Ça va sauter, c’est
effrayant...
Ensemble, ils traversent la cour, les
jambes pliées, le dos courbé. On dirait
deux gros chats de ruelles. Fred se glisse
le premier sous la clôture, il se relève de
l’autre côté:
—O.K. Vas-y!
Simon lance son sac à dos, qui vole
dans les airs et atterrit dans les mains de
Fred. Ensuite, Simon se glisse sous la clôture
et se redresse de l’autre côté. En
silence, les deux gars font glisser leur sac
sur leur dos. Chacun donne un petit coup
de reins pour bien répartir la charge puis,
sans se consulter, ils partent tous les deux
dans la même direction.
Ils marchent l’un derrière l’autre, traversent
quelques ruelles, se retournent,
scrutent la nuit, flairent les pièges comme
des commandos aguerris aux missions
nocturnes. Le reste du temps, ils fixent
l’asphalte qui chauffe encore sous leurs
pieds et qui laisse s’évaporer une haleine
de charbon brûlé.
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Le vendredi 18 juillet, 21 heures.

Montréal, écrasée par la canicule, ressemble
à une bête couchée le long du
fleuve, une bête en chaleur qui laisse
tremper toute sa masse dans l’eau fraîche.
Le soleil descend vers l’horizon en étirant
les ombres jusqu’au fond des cours.
Les gratte-ciel s’enflamment comme des
torches. Trois faisceaux lumineux parcourent
le ciel étoilé.
Loin des bruits du centre-ville, dans
le silence d’une ruelle peuplée de hangars,
une silhouette marche mollement.
Avec sa casquette, son pantalon large, sa
chemise couleur kaki, on dirait un jeune
guérillero qui porte des habits de géant.
Il passe sous un lampadaire, lève la tête
vers la lumière. Il s’appelle Fred. Il a 18 ans.
Nom de code: WEXER. Quelques cicatrices
courent sur son menton. Il s’est rasé
avec le rasoir de son père. Mais, ce soir, il
se fout de son père comme il se fout du
reste du monde.
Quelquefois un chien jappe de l’autre
côté d’une clôture. Fred accélère le pas et
poursuit son chemin dans le labyrinthe
des passages qu’il connaît par cœur.
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Des familles complètes débordent sur
les trottoirs à la recherche du moindre
courant d’air. Des enfants jouent entre
les automobiles stationnées. Quelques
gros bonshommes se bercent devant leurs
maisons. La peau couverte de sueur, les
trois gars tournent le coin d’une rue et s’immobilisent. Devant eux s’étend l’endroit magique, le lieu qui hante leurs
rêves depuis longtemps: un immense terrain
vague cerné par une palissade de
contreplaqué. Un quadrilatère protégé
comme une forteresse à sécurité maximale.
La clôture qui en fait le tour est
recouverte d’affiches et de couleurs. Les
contreplaqués portent des graffitis de tous
les styles: des centaines de petites
signatures écrites à la hâte, des tags aux
formes délirantes et d’immenses burners
plus longs que des trains de banlieue.
Les yeux rivés sur les signatures, le
commando avance lentement pour savourer
cet instant magique. Les surnoms se
succèdent: ZIP, FORFIT, SWARM,
ZECK, FIUSER, TAGER 17, SIMO,
FLUO 21, FRAME. Tous des noms de
code que les trois gars connaissent par
cœur et qui représentent, pour eux, le
summum de l’art du graffiti.
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Sept stations plus loin, le train s’immobilise.
—Centre-ville, tout le monde dehors,
dit Simon en riant.
Les trois gars se lèvent de leurs
sièges. Sur les dossiers, chacun a laissé
sa marque dessinée au crayon feutre:
ATAK 21, WEXER et BURK.
Ils quittent le wagon, se faufilent
entre les badauds et se laissent porter par
les escaliers roulants qui les emmènent
vers la surface.
Le trio débouche sur une artère illuminée
de millions d’ampoules, d’étoiles
qui tournent, de néons clignotants, d’automobiles
qui circulent. De temps en
temps surgit une ambulance ou une autopatrouille.
Les sirènes hurlent. On entre et on sort des restaurants climatisés. Fred,
en pointant du doigt les lettres lumineuses
d’un bar, se penche vers Guillaume:
—Si tu veux acheter du bon stock,
c’est là!
Un peu plus loin, il se penche encore
vers Guillaume et lui dit sur le ton de la
confidence:
—Si t’as besoin de couteaux, armes,
pistolets, mitraillettes tronçonnées, tu
viens ici!
Guillaume, l’air incrédule, lui fait
signe qu’il ne le croit pas.
—Je te le jure, man! Va voir dans la
ruelle en arrière, tu vas être surpris... Je
connais un gars qui s’est acheté un 38.
—Ils vendent ça à n’importe qui?
demande Guillaume.
—Non... Il faut que tu connaisses
quelqu’un qui a déjà acheté... Mais il faut
surtout avoir de l’argent!
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Le train du métro s’enfonce dans le
tunnel. Le bruit des pneus emplit toute
l’atmosphère. Simon, le corps mou comme
de la guenille, se laisse secouer par les
vibrations. Guillaume pense à sa mère.
Elle le croit parti au cinéma. Fred regarde
de l’autre côté de la vitre. Il compte les
petites lumières placées le long de la paroi
à intervalles réguliers:
—Seize, dix-sept, dix-huit... Attention, les gars!
Simon fait signe à Guillaume de regarder
par la fenêtre. Un mot aux lettres et
aux couleurs éclatées suivi d’un autre
mot impossible à déchiffrer glissent sur le
ciment gris. La lumière venant de l’intérieur
du wagon éclaire les grandes lettres
qui défilent à toute vitesse. Cela ressemble
à une apparition fulgurante, comme si
toute la paroi s’était animée l’espace
d’une seconde.
Fred et Simon se regardent en souriant.
Ils lèvent les bras et se tapent dans
les mains.
—La prochaine fois, dit Simon, il
faudra les faire beaucoup plus longs. Je
n’ai presque rien vu!
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Les deux gars débouchent sur un boulevard.
Au premier coin de rue, quelqu’un
les attend. Il s’appelle Guillaume.
Il a 17 ans. Nom de code: BURK.
Nouveau venu dans le bataillon, il
participe ce soir à sa deuxième mission
nocturne, mission surnommée Panneau
trois X.
Les trois gars se regardent:
—Salut! Salut! On y va à pied ou en
métro?
—Il fait trop chaud pour marcher, dit
Simon. Moi, j’irais en métro!
Les deux autres acquiescent en hochant
la tête:
—On y va en métro. O.K.
Les trois gars marchent côte à côte.
Avec leurs gros sacs, ils occupent toute la
largeur du trottoir. Les passants qui les
croisent doivent descendre dans la rue
pour les laisser passer. En marchant vers la
station de métro la plus proche, chacun
est perdu dans ses pensées. Simon, le plus
fabulateur, s’imagine comme un soldat se
rendant sur les lieux d’une embuscade.
Fred, le plus vieux et le plus expérimenté,
essaie de prévoir toutes les manœuvres et
toutes les tactiques possibles. Guillaume,
qui en est à sa deuxième mission, se laisse
porter par la confiance des deux autres.
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Fred s’arrête au milieu d’une ruelle
et jette un coup d’œil derrière lui.
Une ampoule éclaire un bout d’asphalte.
Au loin, dans une cuisine ou
une cour, des gens parlent, rient,
chuchotent. Fred laisse tomber son sac
et le camoufle derrière un arbuste. Puis
il glisse sous une clôture et se relève de
l’autre côté, dans la cour d’un duplex.
En marchant replié sur lui-même, il
se rend jusqu’à une fenêtre illuminée au
sous-sol. Il s’appuie au mur près de la
fenêtre, avance le poing et cogne trois
fois contre la vitre. Trois petits coups qui
semblent résonner dans tout le quartier.
Après quelques secondes d’attente,
il frappe trois coups insistants. La lumière
s’éteint dans le sous-sol. Le rideau
bouge. Un visage se dessine derrière la
vitre. Quelqu’un fait signe d’attendre.
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Simon apparaît tout à coup dans la lumière des lampes. Son ombre se colle sur un pan de mur dressé derrière lui.
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