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Critique de Cannetille


Que peut-il advenir après un drame qui a coûté la vie à deux adolescents ? Quand l'un a tué l'autre avant de se suicider ? Et que leurs parents restent voisins sans plus désormais supporter de se croiser ? Ancienne médiatrice de justice, JoAnne Tompkins évoque la résilience et la rédemption après l'irréparable, dans un premier roman juste et délicat, tendu comme un thriller.


Mis à part le lecteur, qui lui aura accès, avant qu'il ne le détruise et par brefs chapitres intercalés tout au long du roman, au journal tenu par Jonah entre son crime et son suicide, personne ne saura jamais ce qui aura bien pu passer par la tête du lycéen, pour que lui, si effacé et à la dévotion de Daniel, son charismatique ami de toujours, s'acharne ainsi au couteau sur le jeune homme, abandonne son corps pour participer aux infructueuses battues pour le retrouver, et mette finalement fin à ses jours en se dénonçant sans plus d'explication. C'est donc tenu en haleine par le récit par Jonah des événements et de ce qui, en une longue et silencieuse maturation, les a précédés, que l'on assiste en parallèle au malheur, torturé de questions sans réponse, des parents des deux garçons. A vrai dire, des éléments de réponse, ils en ont malgré tout dont ils peuvent se douter, puisqu'eux savent bien, au fond, ce qui couvait de violence sous les apparences ordinaires de leur vie de famille.


Mais voilà qu'au beau milieu de ce champ de ruines surgit un personnage qui pourrait bien bouleverser ce qui semblait déjà scellé sous la dalle du chagrin et de l'hostilité muette. Evangeline a à peine seize ans, elle est enceinte, sans famille ni domicile. Lorsqu'elle frappe à la porte du quaker Isaac Balch, seul avec son deuil et son chien depuis la mort de son fils Daniel, elle et le futur bébé pourraient bien finir par combler le vide à leur manière, voire même briser la rancune qui a grandi entre lui et sa voisine, Lorrie, mère de Jonah. A moins que de nouvelles révélations ne viennent à nouveau tout compromettre quand il s'avère qu'Evangeline avait un peu plus que croisé les deux garçons peu avant le drame…


JoAnne Tompkins a trouvé le ton juste pour construire sans pathos ni sentimentalisme une histoire à la fois captivante et intelligente sur la solitude d'êtres enfermés dans leur incommunicabilité, entre jalousie et rancoeur, frustrations, remords et regrets, mais trouvant néanmoins suffisamment de bienveillance autour d'eux pour accéder au pardon et à la rédemption. Pas un des protagonistes à ne cacher quelque secrète ambivalence, les plus solaires gardant leur part d'ombre et les plus sombres leur lot d'humanité. Est-ce l'expérience de l'auteur dans la justice ? Dans son récit, le mal est une tumeur proprioceptive, une attaque de circonstances propres à vous faire perdre l'équilibre, mais, comme l'exprime Jonah, ce n'est pas parce la gravité vous fait tomber par terre qu'il faut en déduire que vous êtes la gravité – et donc le mal – incarnée. de l'ensemble sourd au final une lumière doucement réconfortante, discrètement alimentée par la touchante et fragile part d'âme de chacun, y compris celle de l‘affreux mais irrésistible Rufus, curieux croisement de labrador et de pitbull, et personnage à part entière du roman.


C'est ainsi que de la noirceur de ce sordide fait divers, JoAnne Tompkins réussit à extraire une histoire par contraste d'autant plus lumineuse, attachante et addictive. Ce qui vient après ? N'est-ce pas la bienveillance, indispensable terreau de résilience ? Un premier roman diablement bien campé, dénotant chez l'auteur une impressionnante acuité d'observation.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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