Sharaz-De, tome 1

Sharaz-De est une splendide variation sur le thème des Mille et une nuits, dessinée par un maître de la bande dessinée italienne. le long de ce superbe volume, le verbe de Shéhérazade se déploie naturellement dans un décor ciselé à l'encre de Chine où les animaux, superbement détaillés par Sergio Toppi, observent en silence guerriers monolithiques et princes sanguinaires monter à l'assaut de leur destin tragique. Si Sharaz-De a survécu si longtemps au chevet du calife Shâriyâr, c'est peut-être bien un peu grâce à Sergio Toppi.

Infiniment littéraire et artistique. le trait de Toppi est envoûtant. Ce n'est pas de la BD, c'est de la marqueterie. Ses planches paysages composées avec minutie réenchantent les milles et une nuit. Pour la peine, je m'en vais redécouvrir les contes de celle que Toppi appelle Sharaz-de.

Rien que les illustrations sont magnifiques et confèrent à cette revisite des contes des Milles et une nuit un aspect magique, hors du monde, mystérieux magnifique !
Les contes sont évidemment géniaux, avec à chaque fois une petite morale qui n'est jamais forcée, même s'ils nous font parfois échanger un regard complice avec Sharaz-De, qui ne choisit sûrement pas ses histoires au hasard.

Tissée sur la trame des Mille et Une Nuits,
Cette bande dessinée de Sergio Toppi
Fut acquise en mars au festival d'Angoulême.
La tragédie est de ces contes le grand thème,
Sharaz-De se plaisant à souvent mettre en scène
Magiciens et rois au coeur brisé par la haine.

Trait fin, tantôt couleur et tantôt noir et blanc,
Dessin labyrinthique où les mots sont images,
Mise en page insolite et texte très vivant,
Les histoires narrées sont autant de mirages,
Tracés d'encre mêlant l'amour à la querelle,
L'aventure aux trésors en planches d'aquarelle.

Sharaz-De est le nom de la voix héroïne,
Qui charme tous les soirs le cruel roi Shahriyar :
Dix légendes durant avec elle on chemine,
Fables où la sueur coule sous le brocart.
Guerriers, animaux, sages, génies et femmes, c'est
À travers ces récits un royaume complet.

J'ai beaucoup apprécié l'histoire du faucon,
Fidèle à son maître malgré sa trahison,
Ainsi que l'aventure entre le bon marchand
Et l'esclave dont il finit par être amant.
Je mentionnerai aussi la tête de pierre,
Capable en parlant de convoquer des chimères.

L'impression laissée par ce merveilleux voyage
Est trouble et disparate, d'une beauté terrible.
Car Sharaz-De raconte en de sombres présages
La jalousie, la ruse dont l'homme est la cible,
Sa méchanceté qui égale sa bêtise,
Tant et tant qu'on oublie si l'espoir est de mise.

L'épouse parle cependant avec adresse,
Choisissant avec soin ce qu'elle dit au sultan.
De même que l'auteur par ses mots nous caresse,
Parvient-elle en douceur à vivre plus longtemps.
Qui est le prisonnier, d'elle ou de nous, lecteurs ?
Quelle morale en somme a le plus de valeur ?

Émilie - Apprentie Bibliothécaire
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