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Critique de belcantoeu


Eaux tranquilles (1854) a d'abord été traduit en français en 1858 sous le titre L'Antchar (Анчар), titre d'un célèbre poème de Pouchkine longtemps prohibé par la censure, que Tourguéniev insère métaphoriquement dans son récit car c'est le nom d'un arbre à poison mortel. La nouvelle a aussi été publiée sous le titre Un Coin tranquille. Écrite en 1854, cette nouvelle est inhabituellement complexe pour Tourgunéniev, et sera dotée d'un chapitre supplémentaire en 1856 (le troisième ou le quatrième, suivant les versions: celui où Vérétiev fait la cour à Macha).
Vladimir Astakhov, 27 ans, arrive de Saint-Pétersbourg dans le village de Sassovo dont il est propriétaire, près de Toula, pour inspecter les terres que cultivent ses serfs et vérifier les comptes. C'est l'occasion pour Tourguéniev d'une fine observation de la vie rurale. Vladimir est invité par un voisin, Mikhaïl Ipatov, chez qui les circonstances l'obligent à rester quelques jours. On passe le temps comme on peut le faire à la campagne pour tromper l'ennui (thé autour du samovar, conversations, jeux de carte, promenades au bord du lac, sous les saules, discussions sur le temps et sur d'autres choses, poèmes, chant,…), et tout cela se répète avec quelques voisins et personnages secondaires comme le pontifiant Pomponski et Ivan Bodriakov, un peu poète, et l'un des multiples «hommes de trop» tourguénéviens qui hésite sur tout. Il y a surtout deux jeunes femmes, la belle Maria Pavlovna (Macha), la belle-soeur de son hôte, et une amie de cette dernière, Nadjeda Veretiev qui s'intéresse d'emblée à Vladimir. Maria, réplique d'une jeune ukrainienne dont Tourguéniev a été amoureux dans sa jeunesse, n'aime pas la poésie, sauf quand Vladimir Astakhov lui fait lire un poème mortifère, L'Antchar de Pouchkine, qui la fascine et qu'elle va apprendre par coeur. On sent une attirance mutuelle, mais qui ne va pas plus loin. En revanche, l'autre femme, Nadejda, multiplie les avances envers Astakhov. Elle lui propose d'abord de rester, puis de lui donner la réplique comme jeune premier dans une comédie, de danser la mazurka avec elle, et finit par lui tendre un emballage de bonbon où est écrite la maxime suivante: «Qui me néglige me perd». On ne peut être plus clair, mais le velléitaire ne veut pas comprendre, et part le lendemain malgré de nouvelles avances de Nadejda pour qu'il prolonge son séjour. Toujours le thème touguéniévien de l'amour esquivé! Il y a aussi - avant cela - un risque de duel finalement évité, car lors du bal champêtre chez un voisin, Nadejda avait promis la même mazurka à Vladimir Astakhov et à l'irascible Steltchinski.
Dans une scène ajoutée en 1856, Pierre Veretiev, le frère de Nadejda, courtise en vain Macha, et pour lui plaire, se déclare son esclave et se dit prêt à devenir pour elle peintre, poète, sculpteur, danseur, agronome,… n'importe quoi («Je vous le prouverai un jour»), mais il ne peut promettre d'arrêter de boire. Plus il en rajoute, et moins elle l'écoute.
Trois mois plus tard, en automne, Astakhov revient à Sassovo et apprend par un voisin que Nadeda a épousé Steltchinski par dépit, et l'a chargé de lui rappeler le petit mot sur l'emballage du bonbon. Très vite, les époux vivront séparés. Quant à Maria, elle s'est mystérieusement jetée dans l'étang, sans prévenir personne (Contrairement au reste du récit, cette noyade n'est pas historique).
Huit ans après, Astakhov, entretemps mal marié, rencontre le vieux Veretiev, de plus en plus ivrogne, et lui demande ce que sont devenus les autres, mais son interlocuteur n'en sait rien. Il évoque sa jeunesse trop vite passée, époque de rêves non réalisés. La vie est passée morne, sans rien laisser, sauf l'amertume : «C'était le temps de la jeunesse, de la gaieté, du bonheur. C'était le temps des espérances infinies et des forces indomptables. Si ce fut un rêve, il était bien beau… La vie est passée sans laisser de traces, platement, bêtement. Voilà ce qui est amer, voilà ce qu'il faudrait pouvoir chasser comme un rêve».
La version française contient des passages que la censure russe n'aurait pas autorisés, sur la pratique des pots de vin et le mépris de Vérétiev pour les lois russes.
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