La morve d'un enfant est plus précieuse que le lait maternel, elle est neuve. Le lait ne durera pas, pas assez, jamais assez, il faut passer à celui en poudre, renoncer au secret bonheur de donner à boire de soi à qui on aime.
Mais ne rêvons pas, ne rêvons plus, puisque il faut ensuite se réveiller et que reste le jamais-plus.
En aimant, nous savons tous devenir vulnérables. L'amour peut avoir une fin, la souffrance de l'abandon est toujours possible, ou, pis encore, l'accident, la maladie, la perte définitive de celui ou celle qu'on aime. On le connaît, ce risque, on le prend, mais est-il normal de se dire qu'en aimant on prend aussi celui de perdre la vie des mains mêmes de qui s'est offert à la partager ?
C'est le jouir, non le posséder qui rend heureux. Mais les cogneurs cognent, les saccageurs saccagent, les tueurs tuent.
Ils savent d'expérience que toujours ou presque, un moment vient où les femmes isolées, lasses des nuits sans sommeil, des nuits à vouloir rassurer, des nuits sans fin à rendre des comptes, lasses, infiniment, sentent que la force brute qui brime, maltraite, châtie, la force de celui qui a réduit à néant ce qu'elles croyaient être de l'amour, mais qui n'était qu'empressement à leur voler leur élan vital, a remporté le combat. Trop épuisées pour poursuivre cette lutte inégale, elles abandonnent. Elles ont perdu l'entendement. Elles pensaient être aimées, ignorant que le besoin de possession était la vraie motivation de leur bourreau.
Entre mari et femme, ça n'est pas du viol.
Tout être lui offre des sacrifices... C'est la vie, c'est la vie qui suit son cours magique...
L'amour adoucit toute épreuve...
On se détache, on devient indifférent l'un à l'autre de manière insidieuse, les faits s'accumulent sans qu'on y prenne garde, et puis arrive cet instant où force est de constater que c'est fini.
Il se dit qu'il n'était qu'un pauvre orphelin distrait. Un orphelin de cinquante-trois ans, d'accord, mais orphelin tout de même.