La veuve Barnaby

D'après vos dires, cette jolie personne semble être une perle de grand prix, mais, par malheur, elle se trouve dans la coque de l'huître la plus méprisable, la plus grande, la plus grosse, la plus commune, la plus haïssable qu'on ait jamais pêchée !

A cette époque, miss Betsy avait environ cinquante ans et, quoique les défauts de son corps n'eussent certainement pas diminué avec l'âge, elle n'en demeurait pas moins une petite vieille agréable à regarder.

Des livres, des livres ! S’il existe une chose oiseuse, c’est bien la lecture ! Passer son temps à épeler des lignes les unes après les autres, et qu’en retire-t-on ? Là ! Voici déjà une feuille de faite, attendez un instant, vous allez voir une grappe de raisin apparaître en relief ! Il y a un sens là-dedans, mais demeurer les yeux fixés sur une masse de misérables mots est un vrai péché, car c’est gaspiller le temps que le ciel nous a accordé sans faire aucun bien pour nos semblables.

(...)la sagesse nous dit que la possibilité d'un malheur à venir ne doit pas nous empêcher de jouir d'un bonheur présent.

Elle est aussi assommante qu’un bœuf qu’on décore de rubans pour servir de prix dans une foire.

Les oiseaux, dont les chants joyeux l’appelaient au-dehors, n’avaient pas le cœur plus léger qu’elle, tandis qu’elle suivit ses amies en descendant l’escalier et qu’elle franchit la porte pour aller à la rencontre de la fraîche brise envoyée par les dunes.

_ Comment vous portez-vous tante Betsy? s'enquit miss Martha d'une voix claire et distincte, jugeant probablement qu'elle se tenait en retrait depuis assez longtemps.
_ Très bien, je vous remercie. Mais qui êtes vous?
_ Oh mon Dieu! Tante, c'est une plaisanterie ? Comment, reconnaissant Agnès, qui n'était qu'un bébé la dernière fois que vous l'avez vue, ne me reconnaissez-vous pas, moi?
_ Ah! ah, vous êtes donc miss Martha, la beauté à la mode? Comme vous paraissez vieille pour votre âge! Vous ne devez guère avoir dépassé trente ans? C'est certainement pour cela que je ne vous ai pas reconnue.

Parce que, du moment que vous le connaissez suffisamment pour lui parler, vous êtes une fille assez intelligente pour trouver moyen de faire plus ample connaissance, et c’est ce que j’attends de vous, Jerningham. Je voudrais donc qu’un de ces soirs, après que vous m’aurez servi le thé, vous alliez vous promener avec lui et, lorsque vous parlerez de choses et d’autres, je veux que vous découvriez si son maître passe pour être riche ou pauvre.

Elle aurait pu compter non seulement combien de fois elle l’avait vu, combien de fois ses yeux s’étaient fixés sur elle, combien de fois il lui avait adressé la parole, combien de sourires lui avaient fait fondre le cœur, combien de fois le froncement de ses sourcils l’avait glacée…
Peu de gens l’auraient deviné, mais il en était ainsi. Et Frederic Stephenson, avec toute sa fortune, ses agréments personnels et même son cœur excellent, n’avait pas plus de chance d’être accepté par Agnès Willoughby que le valet de ferme qui laboure avec la charrue le terrain de la plus fière des ladies.

Les observations et les raisonnements des bienveillantes amies d’Agnès étaient donc parfaitement justes. Elles ne voyaient, hélas, que la surface de la situation. Un autre courant, auquel elles n’avaient jamais pensé, allait profondément en sens inverse. Un courant dont, s’il leur avait été dévoilé, elles n’auraient pu croire ni comprendre la puissance, car pour ce qui est du cœur d’Agnès, étrangement, personne ne l’avait jamais pris en considération.