Citations sur La lumière des justes, tome 4 : Les dames de Sibérie (8)
Il y a dans l'idée de liberté une force qui entraine l'homme toujours plus loin, comme la pesanteur entraine une pierre dans le sens de la pente.
Les corps n'ont pas de mémoire. Désirer une femme, c'est oublier son passé.
Un printemps précoce libéra le pays de l'immobilité et de la blancheur. Sous la neige fondue surgirent des tapis de fleurs éclatantes, conservées dans les glacières de l'hiver.
Il était entrainé dans un rêve avec les autres. Un rêve qu'il savait insensé, périlleux, mais auquel il ne pouvait ni ne voulait se soustraire.
Lorer cambra la taille et se mit à chanter d'une voix de ténor, claire et étirée :
"Au fond des mines sibériennes,
Demeurez fiers et patients..."
C 'était le début d'un message, que le poète Pouchkine avait fait parvenir secrètement en Sibérie par l'intermédiaire de la princesse Volkonsky et que les décembristes avaient transformé en chanson de route. Des têtes se redressaient, des regards s'allumaient ; quelques voix se joignirent à celle de Lorer :
"Les chaînes lourdes tomberont !
Les prisons s'ouvriront ! Dehors,
La liberté vous attendra !
Vos frères vous rendront vos glaives..."
Elles étaient des monstres à force de vouloir être des saintes.
- Il est inadmissible que vos déboires sentimentaux aient des répercussions sur le sort de toute la communauté !
"Vraiment, se dit-elle, il n'y a que la Russie pour offrir de pareilles surprises. Ici, l'âme affleure à tout moment, les sentiments se montrent au grand jour, nul n'a honte de son bonheur, de sa peine, de sa foi, de sa misère, de sa méchanceté, de sa force, de sa faiblesse. Et, de cette naïveté énorme, de cette impudeur évangélique, naissent parfois, comme ce soir, les plus beaux chants du monde."