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Critique de nilebeh



Voici l'histoire d'une famille comme il en existe probablement beaucoup et c'est ce qui lui confère un caractère d'universalité, chacun y retrouvant un peu de sa propre expérience.
Elle, c'est Marthe, pas encore très âgée, ancienne clerc de notaire qui a mis de l 'ordre dans sa vie et dans ses papiers, à destination de son fils. Comme toutes les mères qui voient approcher la fin. Sauf que pour Marthe, il y a un peu d'urgence : sa mémoire s'effiloche, ses souvenirs commencent à partir en lambeaux : elle souffre de la maladie d'Alzheimer. Elle a donc laissé huit lettres pour Nathan, son fils.

Lui, c'est Nathan, le fils avec lequel la relation s'est assoupie, pas comme une fâcherie, non, juste de l'éloignement, au sens abstrait mais au sens réel aussi, car il a choisi de travailler entre Paris et la Slovénie quand son père est mort. Son père qu'il adorait, le seul qui jouait avec lui, lui caressait les cheveux et lui disait qu'il l'aimait. de sa mère, rien de tout cela. Une sorte de froideur indifférente qui arrêtait net le moindre de ses désirs de faire un câlin.

Pourtant, elle savait rire, avoir des gestes de tendresse et d'amour mais seulement pour Jacques, son mari. « Quand il entourait sa taille, ma mère semblait danser de l'intérieur » raconte Nathan.

Aujourd'hui, Nathan est très contrarié : une amie de Marthe lui a demandé de passer voir sa mère. Elle lui raconte la maladie et ces huit lettres qu'il devra venir chercher rue du Cherche-Midi, à Paris, tous les deux mois : un an et demi de contrainte !

Et avec lui, à chaque lettre, de plus en plus hésitante car la maladie progresse, nous découvrons la vie de Marthe, son premier amour déçu, une tragédie, une mère à demi-paralysée dont elle a dû s'occuper (et lui ? s'occupera-t-il de sa mère?), la rencontre romanesque (c'est le mot!) avec Jacques son époux dont elle a été follement amoureuse. « Son visage était évident » écrit-elle. Et sa place à lui, dans tout cela... ?

Maladie, deuil, enfance, amours interdites, amour refréné, peur de souffrir encore et encore, culpabilité : sur quelles expériences nos parents se sont-ils construits ? Est-ce ainsi qu'ils nous ont faits, de chair, de sang et de douleur ou de joie, au travers de mille éclats de vie dont nous ne savons rien et qui nous sautent au visage lorsque, pour la première fois, nous vidons leurs tiroirs, photos, lettres, documents administratifs, juste après leurs obsèques ? Parce la vie est exigeante et qu'elle veut continuer...

Un beau livre, lumineux et douloureux, écrit dans une langue sans effets, qui coule doucement, comme les jours passés nous reviennent.

Une belle découverte - encore - dans le cadre des « 68 1ères fois » que je remercie vivement.

Sur des thèmes similaires (Alzheimer, vieillissement), deux livres qui m'ont particulièrement touchée : Koumiko, d'Anna Dubosc (une ode à sa mère, artiste japonaise) et « Mademoiselle, à la folie », de Pascale Lécosse (drame d'une actrice vieillissante qui perd progressivement la mémoire).


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