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Critique de Stockard


Écrire à l'encre violette, sous-titré « Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours », une appellation qui annonce la couleur (ah, ah) mais laisse pour le moins dubitative.
L'impossibilité évidente de couvrir plus d'un siècle de littérature, tout genre confondu, en moins de 300 pages (250 même si on retranche l'abondante – ô joie – bibliographie) et surtout la question qui se pose inévitablement : la littérature lesbienne, c'est quoi ? Dès l'introduction on est prévenu : à cette interrogation, tout le monde a une réponse, jamais la même. La littérature lesbienne serait écrite uniquement par des femmes homosexuelles ? Non, des grands noms comme – exemple – Marguerite Yourcenar contredisent le propos. Il faudrait alors que le sujet de l'oeuvre soit lesbien ? Encore raté puisque dans cette catégorie on trouve Balzac, Baudelaire, Louÿs, Gautier etc., sans compter les romans de gare mettant en scène des amours saphiques écrits par des hommes à destination, le plus souvent, de leurs pairs.
Pas de réponse précise et c'est tant mieux car comme énoncé dans la conclusion : « Il serait impossible, et surtout dangereux, d'enfermer la littérature lesbienne dans une définition figée. Poser des critères stables, pour la circonscrire avec rigueur et sans faille, reviendrait à en détruire toutes les richesses avant même de les avoir valorisées. La production littéraire lesbienne compte autant de facettes que d'oeuvres : autant d'auteurices, autant de littératures lesbiennes. »

Une littérature riche et plurielle donc mais encore trop souvent invisibilisée, même si entre Renée Vivien et Wendy Delorme, des avancées notables ont évidemment été faites. Mais que de temps il a fallu et que de chemin encore à parcourir. Sans parler des conditions des précurseuses dont souvent seules la blanchité et l'appartenance à une certaine bourgeoisie autorisait la notoriété (Natalie Clifford Barney) quand aujourd'hui, même si leurs voix sont encore trop souvent étouffées, les intersectionnelles défoncent les plafonds de verre (Nina Bouraoui), bien aidées en cela par leurs soeurs aînées dont les combats n'ont eu de cesse de défier l'hétérosexualité, non comme orientation amoureuse mais comme oppressif système patriarcal, la société dans son ensemble reposant sur la disparité des sexes – les hétéroflics pour paraphraser Anne-Marie Grélois lors de la création du FHAR en 71. Parmi ces guérillères, que des pointures : Monique Wittig (ah, Monique !) Christine Delphy, Geneviève Pastre, Michèle Causse, Jocelyne François... Il en manque mais chacune sans le moindre doute a levé un poing rageur, bougé les lignes et refusé ce bas-bleuisme dans lequel on tentait de l'enfermer.

Qu'on soit familière ou non du sujet, Écrire à l'encre violette c'est la promesse d'aborder une littérature aussi diversifiée que passionnante, fourmillant de références (ma pal ne devrait plus tarder à s'effondrer) et qui nous rappelle, si besoin en était, que militance et culture avancent souvent main dans la main, l'une se nourrissant de l'autre car comme l'a si bien déclaré Nicole Brossard : « Une lesbienne qui ne réinvente pas le monde est une lesbienne en voie de disparition. »

Écrire à l'encre violette, un documentaire historique, une étude éminemment politique, un essai en forme de lavender menace !
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