Le polygame solitaire

Il vaut mieux garder tous ses ennuis au même endroit.

Beverly était une femme dont les humeurs influençaient les couches immédiates de l’atmosphère et semblaient tout contrôler, jusqu'au temps.

C'était un homme massif aux larges épaules, aux mains noueuses et aux dents de cheval, ce qu'il essayait de cacher en retroussant les lèvres à la manière de celui qui s’apprête à siffler.

Son problème était simple: il n'avait jamais appris à prendre ce qu'il désirait, à faire le premier pas. Rien dans sa vie ni dans ses mariages, ni ses enfants, ni son statut au sein de l'Eglise, n'était le produit de sa seule volonté.

(Parlant de la baleine...un canapé qui a trop vécu...)
Il y avait là les effluves corporelles de milliers d'enfants d'âges et de tailles variées, de lotions pour bébé, de couches sales et de cheveux propres, l'odeur métallique de vieilles pièces de monnaie et puis celle de feuilles d'automne collées aux semielles des chaussures, de la fumée des nuits d'hiver et de la poussière d'été. Pour elle c'était ce qui symbolisait la famille, la mémoire et le temps. L'odeur du foyer.

Je ne suis pas heureuse. Ces cinq mots formait la phrase la plus limpide et la plus sensée qu'il ait jamais entendue. Il avait longtemps vécu et travaillé au milieu de gens malheureux - et depuis ces dernières années, après ce qui avait été peut-être une renaissance et dix ans d'un bonheur étonnant, il comptait de nouveau parmi ceux-là -, et pourtant personne, lui-même compris, n'avait jamais eu la lucidité ou le courage de l'exprimer comme simple vérité et non comme excuse ou plainte.

Il ne connaissait que trop bien cette attitude: elle était en colère contre lui, mais il ne savait pas pourquoi. Elle avait même mêlé Dieu à l'affaire, ce qui voulait dire que c'était sérieux. Il avait appris que, dans des cas pareils, il ne servait à rien de l'interroger. Il valait mieux se taire et renoncer.

Oui, il risquait sa place au sein de l'Église, sa réputation et peut-être même son âme pour le bien de sa famille, mais il y avait autre chose, une raison qu'il était incapable de justifier ou d'expliquer; il le faisait pour s'évader.

on aurait dit que toutes les épingles. les boucles et les agrafes qui avaient maintenu ses traits en place durant tant d'années venaient soudain de sauter, révélant une personne entièrement différente qui, en dépit des pommettes saillantes et des rides autour de la bouche, ressemblait à une enfant perdue et effrayée. ( p.617)

C'est la question que les enfants polygs posent toujours: Pourquoi ne peut-on jamais faire quelque chose tout seuls? (p.515)