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Critique de Nastasia-B


Tomi Ungerer est une idole régionale en Alsace. On en mange à toutes les sauces, on l'étudie dans toutes les écoles, il s'affiche un peu partout (parfois jusqu'à l'overdose, dans les échoppes, les restaurants et jusque sur les bus de Strasbourg par exemple), dans des dessins pas toujours de bon goût et qui n'ont, quelquefois, d'autre intérêt que d'être signés " Tomi Ungerer ".
Cette popularité peut provenir de beaucoup de succès commerciaux de beaucoup d'albums, le Géant de Zéralda, Otto, Jean de la Lune, La Grosse Bête de Monsieur Racine, etc., etc.
Mais en vrai, en vrai de vrai, de vous à moi, la popularité de Tomi Ungerer vient en fait d'un seul et unique album, celui qui l'a fait sortir de l'ombre, lui qui vivait un peu comme un voleur au fond de sa caverne ; j'ai nommé Die Drei Räuber.
Oui, il n'est pas inutile de rappeler que ce livre est sorti dans sa version originale en allemand et que bien que l'auteur en soit français, c'est une traduction que nous lisons (qui n'est pas de Tomi Ungerer mais d'Adolphe Chagot).
Pas inutile, car ce titre évoque forcément et fatalement pour nos amis Allemands un classique de chez eux ; j'ai nommé Die Raüber de Schiller (Les Brigands).
Lors de la sortie du film issu de l'album en 2007, Tomi Ungerer confiait, lorsqu'on lui demandait d'où lui était venue l'inspiration de cet album, confiait donc, que ça lui était venu comme ça, peut-être de deux ou trois imagiers anciens qu'il aurait feuilleté dans sa jeunesse, mais que globalement, ça lui était venu comme ça, telle une illumination.
Mon oeil monsieur Ungerer ! Je n'en crois pas une bribe. de même que l'album Émile sorti un an auparavant devait sans doute beaucoup à la version de Vingt Mille Lieues Sous Les Mers illustrée par Gustave Doré (un autre Alsacien), j'affirme sans preuve et pourtant sans honte que toute l'ossature de l'album des Trois Brigands provient de la pièce de Schiller, un classique très étudié en Allemagne (et donc en Alsace de 1870 à 1918).
En fait, ça saute aux yeux quand on lit la pièce. Mais peu importe, l'essentiel est bien que l'auteur illustrateur ait su en faire le chef-d'oeuvre que l'on connaît. C'est d'abord une ligne graphique sensationnelle, tellement simple, tellement épurée qu'elle apparaît évidente.
Peu de couleurs, de grands à-plats d'une efficacité visuelle redoutable qui a été moult fois imitée depuis lors, mais probablement pas égalée, du moins, à ma connaissance.
Le choix d'une époque reculée qui évoque le XVIIème, XVIIIème siècle (mais qui était une époque quasi contemporaine pour Schiller) confère à l'histoire un caractère d'ancienneté digne d'un conte traditionnel.
Le thème de l'histoire surfe sur une ligne narrative qui date de temps immémoriaux et qui rappelle beaucoup Robin Des Bois, un thème qui plait énormément, dans tous les pays et à toutes les époques.
Voilà les ingrédients du succès des Trois Brigands : une histoire plus ou moins présente dans l'imaginaire populaire, présentée avec une forme qui évoque la tradition, dans une ligne graphique impeccable et lancée préalablement dans un pays fortement préparé à accueillir favorablement cet album.
Ajoutez là-dessus une étrange ressemblance entre le village des brigands et un village fortifié viticole alsacien, avec ses tours de guet dont la toiture évoque vaguement un haut galurin du Tyrol et vous aurez entre les mains l'un des plus beaux albums jeunesse de la seconde moitié du XXème siècle, devenu à raison un grand classique.
La valeur de partage et de générosité véhiculée par l'album, ainsi que celle de la nature profonde des individus, ni jamais complètement mauvais ni jamais complètement angéliques sont véritablement universels et valent le détour.
Mais une fois encore, vous conviendrez avec moi que toutes ces hasardeuses élucubrations autour d'un album pour enfant ne sont rien de plus qu'une minuscule poussière de poivre jetée aux naseaux des chevaux, autant dire, pas grand-chose.
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