Quand à force d'avoir été battu, l'homme a admis qu'il est inutile d'essayer d'être heureux, il cesse de penser à sa fin. C'est qu'il a déjà cessé de vivre.
Tel était le ton de l'époque. Les affaires du cœur n'ont plus de rapport avec la grandeur d'âme, comme dans Corneille. Le "courrier du cœur" a remplacé le code de l'honneur. On ne s'émeut pas du goût des jeunes pour l'héroïsme, on s'attendrit sur leurs bégaiements. Le jour même où l'on enterre les fusillés, hommes, femmes et enfants, dans les fosses communes, mêmes les magasines qui s'indignent des fusillades, publient sur leur couverture des photos de nourrissons. Cette société retombe en enfance. C'est la règle à la veille de grandes révolution. Saint-Just et Robespierre eux aussi commencèrent pas écrire des fadaises.
Chatelard est un vieil ami du père de Busard. Ils ont mené ensemble la campagne électorale du Front populaire, en 1936, et en juin de la même année les combats contre les Croix-de-Feu, au cours desquels il arrivait que des coups de feu fussent échangés. En 1945, le père Busard laissa tomber, dégoûté que la classe ouvrière n'eût pas profité de la Libération pour prendre le pouvoir. Il avait également abandonné le syndicat; travailleur à façon, il se prétendait maître chez lui. il regrettait sans l'avouer complètement, le temps où il avait fondé avec des camarades l'Aube sociale, coopérative de consommation, épicerie-fruiterie-quincaillerie, et aussi café-brasserie, où se réunissaient les militants ouvriers (mais on s'était aperçu en 1914 que le gérant du café était un indicateur de police.) En ce temps-là, l'Aube sociale éditait un hebdomadaire socialiste, auquel Lénine, réfugié en Suisse collabora. Le vieux militant boudait aux formes contemporaines du combat politique...
793 - [Le Livre de poche n° 986, p. 105]
Juliette commençait à s'ennuyer. Le coin de sa bouche s'abaissa. Je détestai cela, qui me faisait penser qu'elle aura un jour la lèvre marquée du pli de l'amertume.
Il rentra dans l'appentis et essaya de lire un journal qui traînait, un grand quotidien de Lyon. Cela ne l'intéressa absolument pas. Depuis qu'il avait quitté l'école, il n'avait jamais lu un livre, ni même un journal, sauf l'Equipe et Miroir Sprint. Il ignorait tout ce qui se passait dans le monde, sauf les choses du cyclisme, et quelques mots entendus malgré lui au cours de conversations à l'usine ou chez son père; encore fermait-il volontairement les oreilles à ces mots-là, reflets des "salades" avec quoi, croyait-il, on essayait de l'empêcher de gérer à sa guise sa propre vie. Marie-Jeanne de même. Ils se trouvaient l'un et l'autre, ouvriers à Bionnas, ville ouvrière, où l'on s'était battu pour Sacco et Vanzetti, d'où des volontaires étaient partis pour défendre l'Espagne républicaine, dont les murs avaient été couverts d'inscriptions contre le général Ridgway, ils se trouvaient l'un et l'autre aussi ignorants des événements de leur temps que Paul et Virginie dans leur île. De telles singularités étaient encore possibles et même relativement fréquentes dans la France de ce temps-là.
794 - [Le Livre de Poche n°986, p. 216-217]
Lever, détacher, baisser, trancher, séparer, jeter...
Voilà à quoi il pense, en attendant que le voyant s'allume. Chaque seconde que bat la grande aiguille de l'horloge de l'atelier est ôtée à son délai de vie. C'est plus angoissant que de voir couler son sang.
"Tu ne vois donc pas qu'ils vont t'avoir?"
« Vous chuchotez trop souvent.
Affaires de femmes…
(…)
Nous sommes comme les boys. Nous avons des secrets qui ne concernent pas les blancs. »
l'athlète sent la matière comme un poids qui freine la performance : pour que l'athlète soit en forme, il faut que la graisse, la lymphe, tout ce qui l'alourdit, se soit transformé en nerfs et en muscles, que la matière soit devenue forme. L'athlète parfait s'imagine flamme se consumant dans la performance sans laisser de cendres.