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Critique de HundredDreams


« Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même. Si tu plonges longuement ton regard dans l'abîme, l'abîme finit par ancrer son regard en toi. Nietzsche »

Je referme « L'enfant-mandragore » avec la sensation d'avoir lu un très beau roman. Cette lecture, je la dois à HordeduContrevent que je remercie infiniment pour sa critique affreusement tentante. J'ai passé une magnifique semaine.

Pourtant, avant de débuter ma lecture, mes sentiments étaient confus et contradictoires.
Impatiente et ravie de débuter cette lecture, mais également un peu inquiète, il faut bien l'avouer, impressionnée par le nombre de pages, la taille très serrée de l'écriture et le poids du roman. Mais mes appréhensions ont disparu dès les toutes premières pages, emportée par un récit d'une rare densité et d'une grande maîtrise narrative.

J'avais choisi de lire ce roman, attirée par l'univers fantastique et énigmatique qui se dégageait du titre et pour la couverture, pleine de charme et sa référence à « l'Amour victorieux » du Caravage. Même si une couverture ne fait pas tout, j'aime l'objet-livre et je prends plaisir à regarder les belles couvertures. Montage d'un tableau du grand maître italien de la Renaissance avec cet ange ailé enjambant les fils barbelés des camps de la mort, celle-ci prend tout son sens à la lecture du roman.

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Dans les années 70, Rachel Rosenbaum, médecin, usurpe l'identité d'une infirmière spécialisée en soins palliatifs et se rend dans un manoir isolé au bord du lac Léman, auprès d'un vieil homme malade, en fin de vie.

« Alors, sous l'identité de cette infirmière qu'elle avait usurpée, sous le brouillard, elle pourrait oeuvrer sans devoir s'inquiéter du monde et de ses lumières, vouée toute entière aux appétits de sa nuit intérieure. »

C'est là qu'elle y rencontre Lucian, un enfant étrange, au visage poupon et angélique, petit-neveu du vieillard. Fascinée par cet enfant intelligent et manipulateur, elle va écouter son incroyable histoire.

La construction narrative très habile joue sur l'ambiguïté entre le récit fantastique et la réalité déformée d'un esprit malade.
Folie, trahison, dissimulation, malice, mensonge, sincérité, vérité, loyauté, à chacun de se faire son propre avis sur le récit de cet enfant-mandragore.

« La véritable question est de savoir où commencent l'illusion et la manipulation ».

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Avec lenteur et minutie, d'une écriture très visuelle et fluide, David Vall déploie un fil narratif qui se déroule et se rembobine, enchevêtrant les époques et les lieux sans jamais perdre le lecteur.

Et c'est avec impatience que je me suis plongée dans l'incroyable récit de Lucian qui nous fait voyager dans le temps et l'espace, dans un enchevêtrement d'époques différentes, relatant des moments de vie, allant du Moyen-âge jusqu'à aujourd'hui en passant par la Renaissance italienne du Caravage, la seconde guerre mondiale et l'horreur des camps de concentration.

« C'est une ronde fascinante et effroyable que L Histoire, que je me plus à lui raconter à la lumière de mon vécu. »

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Partagée entre un profond dégoût pour ce vieillard moribond dont elle doit soulager les douleurs, sa détermination à recueillir ses dernières confidences sur son lit de mort et le magnétisme de l'enfant, la jeune femme est prise dans un étau qui se referme progressivement et insidieusement sur elle.

« Cet effroi-là la prenait aux tripes, la rendait pareille à une petite fille offerte à l'ogre. Cet effroi-là était comme une nuée d'insectes volants vomis par le passé pour la dévorer toute crue, la plaie mystique d'une mémoire torturée. »

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Comme la jeune femme, je me suis laissée emmurer dans ce huis-clos envoûtant, pesant, voire inquiétant.
Les personnages, intrigants, difficilement cernables, les descriptions détaillées de la demeure contribuent à nous immerger totalement dans une atmosphère surannée et oppressante.
Et que dire des deux chiens en liberté dans la propriété : pareils à des cerbères, ils sont comme « deux silhouettes sculpturales dressées sur son chemin », silencieuses, grondantes et menaçantes.

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Ce roman m'a fait penser par certains côtés à « Confiteor » de Jaume Cabré par son érudition, l'énorme travail de documentation en amont et les multiples sujets philosophiques et éthiques sur l'art, la religion, la mémoire historique, le bien et le mal, l'amour et la haine, l'humain et l'inhumain et l'impossibilité du pardon.

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Au final, je ressors enchantée de ma lecture de « L'enfant-mandragore ».
Le récit instructif et intelligemment construit m'a emportée dans les souvenirs de cet enfant, et, forcément, certains passages du roman m'ont particulièrement émue.
Je vous encourage à découvrir à votre tour cet excellent roman.
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