« Une famille, ça se pardonne, avant que ce ne soit trop tard. On pourrait quand même se dire les choses sans se brouiller à vie. À commencer par se dire qu’on s’aime et se rappeler pourquoi. Juste être reconnaissant de ce qu’on a. »
Elle commença à aspirer nerveusement les paillettes et autres confettis dispersés sur la table. Elle avala tout ce qu’elle pu, puis reposa son aspirateur à côté d’elle, comme un cow-boy poserait son colt sur le comptoir. A la prochaine attaque, elle était prête à dégainer.
Quant à son fils aîné, Tom, il aimait inventer des histoires improbables pour lesquelles il jurait que c'était vrai. Même quand le directeur de l'école primaire insistait lourdement pour savoir si vraiment son petit frère avait la lèpre, il ne se démontait pas et ajoutait des détails si précis qu'on se surprenait à y croire.
Année après année, la liste des sujets tabous s’allongeait, réduisant celle des conversations possibles.
Anne avait bien essayé, les premières fois, de garder et d’utiliser certains présents. Après tout, c’est l’intention qui compte, s’était elle persuadée. Mais Antoine avait répondu, ferme : « Non. Ce qui compte, c’est de faire plaisir. Nous on se décarcasse à chercher une délicate attention pour chacun. Et en retour, on a le sentiment qu’ils ne font aucun effort, qu’ils se fichent de nous ou, pire, qu’ils ne nous connaissent pas ».
Moi, je suis reconnaissante que la vie m'ait donné cette famille. Alors, oui, elle n'est pas parfaite, mais c'est la seule que l'on a, et il faut en prendre soin. Elle est surtout ce qu'on en fait. Ce que la vie nous a mis comme embûches sur le chemin, et comment on y fait face."
Une famille, ça se pardonne, avant que ce ne soit
trop tard. On pourrait quand même pouvoir se dire les choses, sans se brouiller à vie. À commencer par se dire qu'on s'aime et se rappeler pourquoi. Juste être reconnaissant de ce qu'on a.
On devrait interdire toute discussion avant le premier café.
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Noël commençait mal.
Anne en était à cette constatation, pieds nus et en pyjama, les yeux tirés et la mine défaite : le sapin penchait.
_Papa, ça suffit! On veut tous terminer la soirée ensemble, alors on la boucle! dit Antoine.