Parfois, dans la vie, on a besoin de trois fois rien pour être sauvé.
Gustave, qui comprenait généralement vite, mais qui avait besoin de laisser décanter longtemps, avançait alors à son rythme. Avant la fin de l'été, il avait revu et assimilé les bases pour la 6ème, même s'il restait sceptique.
- C'est quoi, cet exercice ? Je ne comprends pas. C'est trop facile : il y a forcément un piège, ça ne peut pas être la bonne réponse. C'est trop évident.
Joséphine leva les yeux au ciel :
- Malheureusement, Gus-Gus, tu viens de comprendre le grand drame de ma vie : tu vois, à récole, on a toujours l'espoir que ce soit un peu compliqué - pour que l'on puisse puiser dans nos connaissances marginales -, et, en fin de compte, on est toujours déçu de voir que les élèves sont constamment pris pour de gros débiles.
Gustave ne dit rien : cela faisait des années qu'il se sentait stupide avec des devoirs enfantins. Que devait-il penser de lui-même avec ce raisonnement ?
Ce devait être cela grandir : savoir quand taire certaines choses pour protéger ceux qu'on aime.
Tu sais, Gustave, une vie peut basculer, d'un côté comme de l'autre. Il suffit d'une rencontre. Tu te demandais si ta venue avait été utile ? Tu ne mesures pas combien elle a compté : aujourd'hui, tu as été la rencontre qui a chamboulé leur vie.
Alors, ne laissez jamais personne vous dire que c'est impossible, qu'il ne faut pas rêver, ni espérer, ni viser trop haut, que vous ne valez rien, ou que ce n'est pas pour vous. Vous avez votre place, sur les bancs de l'école et dans la société. [...] restez vous-mêmes. Faites de votre différence une force.
Dans l'ombre d'une sœur trop brillante, sous l'aile d'une mère trop protectrice, et sans le regard d'un père trop absent, Gustave avait longtemps pensé ne pas être né sous une bonne étoile. Et pourtant, parce qu'une main tendue lui avait permis de ne jamais renoncer à ses rêves d'enfant, il ne s'était pas trompé dans ce qu'il avait écrit : "Quand je serai grand, je serai heureux."
Elle voulait parler au gamin au fond de la classe, dire à celui qui ne compte pas - parce que c'était celui-là qui l'intéressait -, qu'auparavant elle avait été comme lui.
L'oiseau avait pris son envol et recouvré sa liberté. Il avait suffi de peu : de l'attention, une main tendue et un peu d'amour. Parfois, dans la vie, on a besoin de trois fois rien pour être sauvé.
Je crois que tout est joué aujourd’hui. Elle ne sera jamais fière de moi, pour ma réussite en tout cas, je ne suis capable que de la décevoir. Ça, c’est mon plus grand échec. Et pourtant je m’y connais en échecs.
- Quel que soit votre rêve, visez encore plus haut !