Ce tome est le premier d'une nouvelle série, se déroulant dans l'univers partagé Valiant, mais pouvant être lue sans rien en connaitre. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2015, écrits par
Fred van Lente, dessinés et encrés par
Clayton Henry, avec la participation de Robert Gil pour les dessins d'une séquence de l'épisode 2, et de Francis Portella pour l'épisode 4. La mise en couleurs a été réalisée par
Brian Reber.
L'histoire commence en 2015, dans les installations de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, aussi appelée CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire). La doctoresse Neela Sethi s'apprête à réaliser une expérience capitale, lorsque l'on frappe à la porte de son laboratoire. Ivar Anni-Padda se présente à elle et lui explique qu'elle doit absolument renoncer à mettre en oeuvre son expérience. Elle l'estourbit et appelle la sécurité du CERN.
Ayant recouvré ses esprits, Ivar l'emmène sur le bateau de l'amiral Nelson, lors de la bataille de Trafalgar (21 octobre 1805) pour échapper à leurs poursuivants, des Prométhéens, des formes de vie artificielles issues de la cinquième dimension. Puis ils se rendent en l'an 4001 (à l'époque de Rai - Welcome To New Japan) pour prendre un verre. Que lui veut ce gugusse ?
Ivar est un personnage de l'univers Valiant, propriété intellectuelle de cet éditeur, initialement créé en 1993, par
Barry Windsor Smith. Il est le frère de Gilad Anni-Padda (Eternal Warrior , voir Sword Of The Wild et d'Aram Anni-Padda (voir Archer & Armstrong - The Michelangelo code). L'histoire est racontée de telle manière qu'il est possible de l'apprécier et de tout comprendre sans rien connaître de ces liens familiaux. Pour information,
Fred van Lente fut également le scénariste de la série "Archer & Armstrong".
Dès la couverture, il est clairement annoncé que cette série fonctionne sur la base des voyages dans le temps. Comme son nom l'indique, Ivar dispose de la capacité de passer d'une époque à une autre, de manière plus ou moins contrôlée, et plus ou moins précise. le lecteur constate que ces déplacements dans le temps s'accompagnent également de déplacements dans l'espace, particularité qui reste à l'état implicite, sans explication.
En se lançant dans la lecture d'un comics dont le moteur est les voyages dans le temps, le lecteur anticipe que le scénariste ne développera vraisemblablement pas les époques abordées.
Fred van Lente est capable de donner des détails concrets sur chaque moment visité, mais effectivement le récit ne se transforme pas en cours d'histoire, ni même en reconstitution très fouillée. Les dessins de
Clayton Henry sont en phase avec cette approche : il fait des efforts pour représenter des costumes authentiques, et donner une impression respectant la véracité historique du lieu, mais sans trop s'aventurer dans les détails d'uen reconstitution historique.
De manière plus inattendue,
Fred van Lente joue avec un autre aspect des voyages dans le temps. Dès le premier épisode, il attaque de front la question de l'immuabilité des événements, en citant la théorie de
Stephen Hawking, selon laquelle il existe un dispositif de protection chronologique qui empêche tout changement, même du fait de l'intervention de voyageurs temporels. Ivar prouve la réalité de ce concept à Neela Sethi, par l'exemple. Il l'emmène à différents moments de la vie d'
Adolph Hitler et lui prouve qu'aucun voyageur temporel ne réussit à le tuer
Cette démonstration se fait avec un humour bon enfant, mâtiné de malice, avec un soupçon de dérision. Il s'agit d'un humour tout public, également appréciable par des adultes. de fait la narration de Fred van Lente s'adresse à un public large, comprenant des moments d'aventure (dont un passage avec des dinosaures), sans violence extrême, et avec des personnages attachants. Leur psychologie n'est pas très fouillée, mais le scénariste réussit à s'extraire du cadre du héros masculin viril et triomphant de tout.
Pour commencer, le lecteur constate que le duo mal assorti d'Ivar & Neela fonctionne plutôt bien, avec une scientifique à la répartie alerte, un peu cabotine sur les bords. Il s'aperçoit même que Neela Sethi bénéficie d'un temps d'exposition quasiment supérieur à celui d'Ivar. Ce premier tome est même plus son histoire que celle d'Ivar. le lecteur ne sent pas floué pour autant, car les voyages dans le temps (et dans l'espace) se taillent la part du lion dans les actions, et dans le principe du récit. Il se laisse donc porter par un récit baignant dans un humour agréable, avec des aventures distrayantes, et un usage des voyages dans le temps amusant, à défaut d'être pédagogique.
Les dessins de
Clayton Henry sont agréables à regarder, et décrivent l'action, les lieux et les personnages, de manière claire et immédiatement compréhensible. Les cases comprennent des arrière-plans de manière régulière, avec une fréquence un peu plus élevée que dans un comics de base. Ils ne sont pas très détaillés, mais suffisamment pour ne pas être génériques. Henry applique un degré de simplification qui rend certains décors un peu superficiels, comme s'ils étaient en carton-pâte (par exemple une cage d'escalier à la géométrie trop pratique pour l'implantation de la caméra, sans réelle substance en ce qui concerne les matériaux des murs ou des marches. Il en va de même pour les tranchées de la Somme en 1916. le lecteur n'y voit pas beaucoup de boue, de rats, ou encore de constructions de fortune. Cela ressemble à reconstitution bon marché et peu concrète, réalisée dans un studio, par des décorateurs n'ayant qu'une très vague idée de ce que pouvaient être ces tranchées.
Le dessinateur est plus convaincant en ce qui concerne la diversité et la pertinence des tenues vestimentaires. Il donne une morphologie à peu près normale aux personnages (Ivar est quand même bien carré d'épaule), en particulier à Neela Sethi, menue, aux proportions normales (pas de fixette sur sa poitrine).
Il faut attendre l'épisode 4 pour pouvoir apprécier l'étendue des capacités professionnelles de
Clayton Henry, en tant que metteur en scène.
Fred van Lente lui a réservé une scène asse compliquée à coordonner dans laquelle Neela Sethi rencontre 7 autres elles-mêmes issues de moments différents de sa vie, toutes en même temps dans la même pièce. le dessinateur a trouvé des solutions graphiques simples et efficaces pour rendre visuels ces chassé-croisé de manière à ce que le lecteur puisse s'y repérer rien qu'aux vêtements portés par Neela Sethi. Cette séquence constitue un exemple remarquable de coordination délicate entre le dessinateur et le scénariste, pour une gestion très réussie de ces rencontres.
Le tome se termine avec la reproduction des différentes couvertures et de leurs variantes, 12 dessins au total, ainsi que quelques pages non mises en couleurs, et quelques esquisses, et la promesse d'un deuxième tome.
En ouvrant ce premier tome, le lecteur se dit qu'il va parcourir une suite d'aventures à des époques différentes, décrites de manière superficielle, en suivant les aventures d'un homme dans la fleur de l'âge, se sortant de toutes les situations grâce à sa force et ses armes. Il a la bonne surprise de trouver plus que cela. Pour commencer le récit est bien équilibré, entre les 2 personnages principaux, ce qui évite le cliché du héros mâle, blanc et viril. Ensuite, il constate qu'effectivement les reconstitutions historiques restent superficielles, mais que le scénariste s'est attaché à présenter une logique des voyages dans le temps, qui tient la route.
Le lecteur apprécie l'humour très présent, sans pour autant tirer la narration vers l'absurde, la bonne humeur de Neela Sathi. Il sourit de bon coeur à la comédie bien rythmée et bien réglée de l'épisode 4. Par contre il regrette un peu que les décors ne soient pas plus consistants, et qu'Ivar Anni-Padda et Neela Sethi doivent échapper à des méchants monolithiques, vraiment trop méchants.