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EAN : 9782848054797
240 pages
Sabine Wespieser (06/04/2023)
3.96/5   23 notes
Résumé :
« Je suis née en 1977 dans une centrale nucléaire, au sud de la Corée du Sud » : Rinny Gremaud n’aurait sans doute pas eu l’idée de ce livre si le président de son pays d’origine n’avait pas annoncé, quarante ans plus tard, la fermeture de Kori 1, « sa » centrale.
Installée en Suisse depuis son plus jeune âge, elle ne s’était jamais préoccupée de son père biologique, un ingénieur britannique avec qui sa mère avait eu une liaison alors qu’elle-même travaillait... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Generator, un titre énigmatique mais qui donne toute sa signification à ce beau récit.

J'ai lu ce texte comme une bouleversante lettre envoyée en poste restante à un vieil homme, le père biologique de la narratrice devenue une femme de 40 ans et qui ne se sont pas connus.
Ingénieur britannique, il a aimé sa mère sud-coréenne le temps de la construction de la centrale nucléaire de Kori 1 en 1977 en Corée du Sud avant de repartir pour son autre vie.

L'annonce de l'arrêt du réacteur de cette centrale nucléaire en 2017 allume dans le coeur de la narratrice la flamme éméchée du besoin de savoir, la nécessité vitale de se mettre en quête du père enfui 40 ans après.

Rinny Gremaud entreprend alors un long voyage sur les chemins empruntés par celui qu'elle cherche d'un bout à l'autre du monde, de l'Asie jusqu'à la pointe la plus escarpée du Pays de Galles, Holyhead, les Etats-Unis, la mer et l'océan, berceaux de ses pensées.

La narratrice voyage et consigne par écrit ses émotions, ses réflexions sur les lieux et les paysages traversés, elle récolte des indices, des vieux témoignages. Elle mène une enquête d'investigation jamais loin des centrales nucléaires parce qu'elles font le lien avec celui qui a disparu et l'autrice en sait beaucoup sur cette industrie.

Mais cette quête intime n'est pas qu'une affaire de biologie ou de chimie. Dans une langue poétique sensible, l'écrivaine se nourrit de l'horizon des paysages, de la mer, des lieux et des maisons, de toutes ses bribes d'indices pour imaginer l'existence menée par son père, lui donner une présence, une forme créatrice au-delà de l'absence et de l'indifférence.

Rinny Gremaud esquisse à la manière d'un peintre et avec un imaginaire flamboyant et lumineux les rêves et désirs, les sentiments et les désillusions d'un être de papier façonné à sa manière. C'est son histoire, l'histoire de son père.
Un texte très beau et très fort.
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Elle aime voyager, Rinny Gremaud, quitte à parfois s'interroger sur la pertinence de ses pérégrinations, un soir loin de sa famille dans une chambre d'hôtel peu hospitalière, ou devant le seuil d'une maison qu'elle renonce à franchir. Elle aime voyager et emmener son lecteur dans ses explorations. Elle nous l'avait déjà montrée, cette curiosité qui l'entraîne aux quatre coins de la terre, dans Un monde en toc (Le Seuil, 2018), un passionnant récit-reportage où elle racontait un périple qui l'avait conduite autour de la planète, d'Edmonton la canadienne à Casablanca la marocaine, en passant par Pékin et Kuala Lumpur, pour visiter cinq malls géants, ces superstructures à mi-chemin du mégahypermarché et du parc de loisir, une enquête qui donnait à réfléchir sur ce monde parallèle et complètement artificiel, « en toc », que nous avons construit autour de nos excessifs besoins de consommation et de divertissement. Cette fois, pourtant, c'est dans une quête beaucoup plus intime qu'elle nous invite à l'accompagner, un voyage à la recherche d'un père, cet homme qui, peu après sa naissance, l'abandonna avec sa mère pour retrouver une épouse et des enfants antérieurs et vivre avec eux le reste de sa vie.
« Je suis née en 1977 dans une centrale nucléaire, au sud de la Corée du Sud. »
La première phrase du récit, brutale et concise, happe immédiatement le lecteur, l'installant dans cet inconfort, l'idée d'une naissance au coeur même du danger, voire de l'Enfer, au sein d'un réacteur atomique. Et le titre du récit, bientôt commenté, se révèle image polysémique, habilement choisie puisqu'elle désigne à la fois le géniteur, ce « type qui pourrait bien être un salaud » pour avoir si délibérément disparu en laissant derrière lui la mère et son bébé, et le coeur nucléaire de la centrale de Kori, lieu extraordinaire de cette naissance de l'auteure, rappelé à sa mémoire quarante ans plus tard, lorsque l'état coréen annonce, en 2017, sa fermeture. « Un mot anglais, «generator», avait habité mon enfance, résonnant de loin en loin, un mot qui pour des raisons indéniables, me fascinait, semblant dire tout à la fois l'engendrement, la naissance et l'étincelle. «Generator», c'était le père. ». le désir de retrouver cet homme au nom de super-anti-héros, nourri aussi bien par la curiosité que par la volonté avouée de traquer et pouvoir, finalement, châtier celui qui oublia, si aisément, amour et responsabilités, ce désir inaugure, dès lors, un voyage qui, après l'évocation d'une enfance et d'une adolescence dans le port gallois d'Holyhead, mène l'écrivaine et son lecteur du Royaume-Uni aux Etats-Unis, en passant par la Corée du Sud et Taïwan, sur les traces paternelles, en quatre lieux, Wylfa, Linkou, Kori et Monroe qui sont autant de sites de centrales nucléaires, puisque c'est dans ces endroits successifs qu'il exerça ses talents professionnels. Ainsi l'enquête familiale prend également, très vite, la forme d'un voyage touristique original, puisque les monuments que l'on y croise à chaque étape sont les enceintes de cette industrie radioactive, dont Rinny Gremaud, se plaît avec beaucoup de malice à peindre les errements et les déboires technologiques, rappelant, même si elle n'en condamne jamais explicitement l'existence, qu'elle est aux mains de trop d'apprentis sorciers.
Si les bâtiments qui ont, à un moment donné, abrité les emplois du père, peuvent être de cette manière visités et décrits, l'homme lui-même laisse peu d'empreintes, et c'est, paradoxalement, à cause de la nécessité dès lors de « boucher les trous » dans son histoire, ce manque d'archives qui suscite l'intérêt narratif et la beauté du texte de Rinny Gremaud. Revendiquant le droit à la « rêverie », à l'invention, au « roman », dans un texte qui se présente comme un « récit », l'écrivaine exerce avec brio cette liberté de l'imagination pour construire ce contre-tombeau du Père. Alternant les passages lyriques, de savoureux morceaux de bravoure - quand elle célèbre la mémoire extraordinaire et le goût de la poésie de cet homme, qui en dépit de tous ses défauts, reste capable de réciter magnifiquement des vers, s'appliquant à le décrire ici comme un mécanicien ingénieux, là comme une sorte de chevalier à moto, traversant avec fougue les landes galloises -, et les descriptions ironiques, tournant, sans cesse, avec une allègre pugnacité et le sens des mots qui font mal, ses fers dans les plaies du « salaud », pour mieux fustiger son choix d'un destin médiocre, elle retourne ainsi, pour elle et son lecteur, l'amertume née de ses découvertes en joie vacharde… Et l'on retrouve, dans ce récit, ce qui nous avait plu intensément dans « Un monde en toc », cette justesse du regard sur les lieux et les personnes qui les habitent, cette espièglerie aussi de Rinny Gremaud, sublimée par la magie de ses mots, quand le talent d'une grande journaliste se mue en puissance littéraire. Un texte à découvrir d'urgence!
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GENERATOR de Rinny Gremaud
D'origine sud coréenne par sa mère, citoyenne suisse par adoption, arrivée à la quarantaine, l'auteure ressent le besoin d'une quête intime sur ses origines et son père biologique.
Elle livre dans ce texte non seulement cette recherche mais surtout l'histoire du développement du nucléaire auquel il était intimement mêlé de part son métier.
L'histoire commence à la fin des années 70, durant la construction de la centrale de Kori 1 en Corée; sa mère travaillant pour GEC Turbine Generators alors que son géniteur est ingénieur britannique venu compléter l'équipe du chantier. Celui-ci repartira peu après sa naissance, sans la reconnaitre et ira vivre dans d'autres contrés et fonder une autre famille.
Un livre court au style alerte, mêlant petite et grande Histoire,
offrant au lecteur l'invention d'une vie non dénuée d'humour.
Une lecture agréable d'une enquête journalistique peu banale.
Une façon originale de parler de la quête de soi et parallèlement des interrogations sur le nucléaire, son utilité et ses dangers.
Intéressante découverte du hasard.
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Du « generator » à consonance industrielle à celle de « géniteur » un tout petit glissement s'est astucieusement faufilé dans ce récit …
Rinny Gremaud réussit magistralement à lier la quête de son père biologique à l'histoire du monde nucléaire en partant de sa naissance en Corée du Sud près de la première centrale nucléaire du pays à Komi.

Elle déroule alors la fiction de son géniteur, originaire du Pays de Galle, jusqu'aux Etats-Unis, en passant par Taïwan et Komi, professionnellement lié à la construction ou à la mise en oeuvre de centrales nucléaires.

Son regard sur le marché états-unien dans ce domaine est absolument jubilatoire. Elle écorne au passage cette immense illusion de la consommation sans limites, avec tous ses travers qui engendrent une sorte de désolation, notamment dans cette plaine du Mississipi qu'elle traverse pour retrouver ce père biologique qui les a abandonnées, elle et sa mère.

Regard lucide et souvent drôle sur des réalités graves dans le déni desquelles il nous est plus confortable de nous complaire.
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J'ai emprunté ce livre à la médiathèque attirée par la maison d'édition dont j'apprécie le choix éditorial et par la Corée du Sud où ma fille aînée a vécu durant une partie de ses études.
« Je suis née en 1977 dans une centrale nucléaire, au sud de la Corée du Sud » Rinny Gremaud vit en Suisse depuis son enfance. Alors que la centrale va fermer, elle part sur les traces de son père biologique, ingénieur britannique ayant travaillé sur le chantier du réacteur, comme sa mère. Elle nait de leur union et ne sera pas reconnue par son géniteur. Au fil des pages, elle nous emmène dans son pays d'origine, à Taïwan, à Monroe, au bord du lac Erié et à Holyhead au pays de Galles, lieu de naissance de son père. En parallèle, elle nous livre une forme d'enquête journalistique sur quarante ans d'industrie nucléaire civile. J'oublierai rapidement cette lecture.
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critiques presse (1)
LeMonde
21 avril 2023
Avec ce deuxième roman, l’écrivaine comble par la fiction l’absence du père. Une enquête généalogique qui se confond avec l’histoire de l’industrie nucléaire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Te souviens-tu des ruisseaux gonflés au printemps qui réveillent les terres et font frémir les ronces, des bêlements des moutons et des chiens qui aboient, des colonies de fous de Bassan accrochés aux pitons rocheux alentours du phare de South Stack, de l'alternance rassurante de ses feux, du grondement des tempêtes, du vent qui couche les arbres et accable les corps, du défilé prodigieux des nuages qui courent dans le ciel nerveux ?
Te souviens-tu vieil homme, de tout ce que je vois, pendant que je te cherche ?
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Après dix ans dans la marine, et dans la perspetive d'une vie terrestre nouvelle, il n'est pas improbable que tu te sois acheté une moto - une BSA peut-être, et pourquoi pas le modèle A65 puisque tu en avis les moyens.
Chevauchant cette belle mécanique, les haies de broussailles, les gras pâturages, les hameaux de pierre s'évanouissant au coin de tes yeux en nappes de couleur fondues dans la vitesse. Le glouglou profond du moteur réverbéré par le bitume te montait à la tête avant de s'élever jusqu'au ciel, et la fragile puissance de ton corps accouplé à la machine te procurait à chaque virage d'enivrants vertiges.
Tous les jours à l'heure où le soleil va s'éteindre dans la mer, tu fendais les prairies galloises parsemées de bosquets d'ajoncs et, au printemps, de tapis de fleurs mauves. Si la lumière était belle, tu t'arrêtais pour marcher jusqu'en l'un de ces points où la lande se brise en une roche noire et gibbeuse, là où la mer d'Irlande, sous l'effet d'un vent endémique, dessine un délicat liseré d'écume. Eventuellement les lièvres, ou quelque mustélidé, t'entendaient réciter les vers qui toujours s'écoulaient de toi en longs murmures mélodieux, jusqu'à ce qu'enfin, parvenu aux confins littoraux, ivre du grand air et de la solitude des lieux, tu t'abandonnes à déclamer à tue-tête une poésie du fond des âges, gagné par cette eurythmie qu'inspire le chant lancinant des eaux sauvages.
(pp.82-83)
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Au XXIe siècle, qui se rappelle encore que l'avenir appartenait alors, non pas au banquier d'affaires, au héros de la téléréalité et au footballeur professionnel, mais aux ingénieurs de l'industrie des machines ? (page 95)
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Les centrales atomiques, autant que je puisse en juger(et surtout ailleurs qu'en France), ont cette tendance à occuper des paysages somptueux, dans la mesure peut-être où leurs besoins convergent en partie avec ceux du tourisme romantique: à bonne distance des métropoles populeuses, elles aiment à s'ancrer dans des sols rocheux et stables d'où elles peuvent baigner leurs circuits dans l'eau d'une mer fraîche.
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Il suffirait qu'en cet instant tu te lèves, que tu entrouvres les rideaux, et tu verrais là, sous le capuchon déperlant d'une parka noire, derrière les lunettes trempées d'une étrangère qui te ressemble, ce qui reste d'une histoire d'amour que tu as oubliée. Sous le gris de décembre, à l'extérieur de ta maison, hors le décor fat de ta senescence, je suis une ombre venue de loin, le souvenir d'une étreinte, le produit bien vivant d'un sentiment évolu, je suis les regrets étouffés, les remords enterrés, une revenante, là, sous tes fenêtres.
(p.237)
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